Dans la perspective de l’organisation du SIHACO (Salon des infrastructures, de l’habitat et de la construction) prévue du 9 au 11 novembre 2021 à Conakry, nous avons échangé avec le président de l’Ordre national des architectes de Guinée. Au cours de cet entretien, Boubacar Bah est revenu sur les problématiques liées à la construction en Guinée, ses attentes sur l’organisation du SHIACO. Lisez !
Bonjour M. Bah, pouvez-vous nous rappeler le rôle et la mission de l’Ordre national des architectes de Guinée ?
Créé en 1985 par l’Ordonnance 232, l’Ordre national des architectes est un Ordre professionnel comme ceux des avocats, des médecins, des pharmaciens par exemple. Il défend les intérêts des architectes et l’exercice de la profession en République de Guinée. Dans cette défense du métier de l’architecte, vous savez chaque profession a des principes, des règles. L’architecture est donc l’expression de la culture. Et, tout ce qui est culturel est à protéger. En Guinée, notre Ordre est le deuxième après celui des avocats.
Quelle lecture faites-vous de façon générale sur l’architecture en République de Guinée ?
De façon générale, elle ne se porte pas très bien. La réalité est que les architectes guinéens ne sont pas consultés. Quand vous voyez ce qui se passe sur le terrain aujourd’hui, même ceux qui ne sont pas architectes, se rendent compte.
Si vous voyez tous les embouteillages, l’insalubrité, les désordres urbains, l’urbanisation galopante autrement dit excès de villes, la qualité des édifices et habitats, … vous comprendrez que ce secteur ne porte pas bien dans notre pays.
Pourtant, le rôle des architectes que nous sommes, c’est d’essayer d’appuyer le Département de la ville. Nous sommes censés réguler tout cela, faire en sorte qu’il y ait de l’ordre au niveau de l’architecture et l’urbanisme en République de Guinée. Malheureusement, les taxes qui régissent l’Ordre ne sont pas respectés. Ou bien, il est clairement dit, qu’on ne peut délivrer un permis de construit, si le projet n’est pas signé d’un architecte guinéen agrée. Autrement dit, dûment inscrit à l’ordre des architectes ou bien, un cabinet d’architectes dûment agrée par les autorités guinéennes.
Mais ce qui se passe sur le terrain, c’est vraiment autre chose. Même des non architectes signent des projets. Des étrangers viennent de partout se réclamant architectes signent des projets et ça passe. On voit construire n’importe comment et n’importe où.
Je le dis toujours, une ville doit être planifiée, c’est-à-dire on doit savoir où se trouve la zone industrielle, le centre administratif, les zones d’habitation, les parcs,… et dans chaque zone comment ça doit être érigé.
Normalement après la planification de la ville urbaine, ce sont des projets d’urbanisme qui devraient suivre. Dans ce projet d’urbanisme doit avoir une lecture très correcte, précise de comment la ville doit évoluer, comment des édifices qu’ils soient industriels, administratifs ou sportifs doivent être érigés par les architectes.
Vous dites que vous venez en appui au Ministère de l’Aménagement de la Ville. Est-ce que vous avez l’impression que vous êtes écouté ?
Pour dire vrai, on n’est pas écouté. Je vais indiquer un seul exemple, nous avons toiletté nos textes depuis plus de dix ans pour essayer de les adapter aux conditions actuelles. Ces textes pour être opérationnels et validés, il voudrait qu’ils soient approuvés par les autorités compétentes : Gouvernement et l’Assemblée nationale, afin d’en faire une force de loi. Jusqu’au moment que je vous parle, ce sont les textes de 1985 qui continuent à être opérationnels. Or, ces textes ne répondent plus aux réalités du jour.
Aujourd’hui, il y a eu beaucoup d’investissement dans l’infrastructure, bravo. Mais en réalité, si nous étions consultés, beaucoup d’édifices qui sont érigés, n’allaient pas être érigés là où ils ont été édifiés.
Vous allez prendre part au Salon national des infrastructures, de l’habitat prévu le 9 au 11 juillet prochain. Quel intérêt pour vous de participer audit salon ?
Vous savez, on a dit Salon national des infrastructures, de l’habitat et de la construction. Dans les infrastructures, ce sont des équipements et l’habitat, l’habitation, des maisons selon les villes. La construction, c’est la manière, le processus qui consiste à ériger ces habitations, ces infrastructures et tout cela, est précédé par une conception architecturale. Oui, par des projets d’architectes, que ce soit des ponts et autres infrastructures et équipements, ce sont des architectes qui ont compétence dans la conception et l’élaboration de ces projets. Quand on réalise une construction, c’est l’architecte qui est le coordinateur principal de toutes les activités dans le processus de la construction.
Quand vous voyez un matériau utilisé dans une construction, c’est que ces matériaux ont été choisis dans la conception et par qui ? Par l’architecte. Donc dans l’appellation du SIHACO, le principal intervenant en amont et en aval et pendant, c’est l’architecte. C’est un créneau.
Avez-vous un autre message ?
C’est le même message. Il faudrait que les autorités sachent qu’en République de Guinée, il y a des architectes qui ont le savoir-faire. Et donc l’architecture étant l’expression de la culture, c’est nous qui sommes mieux préparés que les étrangers, parce que nous connaissons mieux notre géographie, culture, sociologie pour satisfaire ce que la population a besoin. Donc il ne faudrait pas que des gens viennent d’ailleurs et nous imposer leurs cultures à travers l’architecture. Il faut savoir que l’architecture, c’est le premier des arts majeurs. Donc l’expression de plusieurs visions. Nous devrions être là, en tant qu’appui principal des autorités pour rendre nos villes belles, praticables et durables.
Entretien réalisé par : Mouctar Kalan Diallo & Richard Tamoné