Dans cette interview qu’il a bien voulu  accorder à notre reporter, Alhousseiny Makanéra Kaké, allié du RPG-arc-en-ciel et  responsable de la Commission communication et des nouvelles  technologies de l’information  à l’Assemblée nationale, a abordé des sujets liés à l’actualité socio-politique de la Guinée notamment la crise postélectorale, la main tendue du Président Alpha Condé à tous les Guinéens,  le réexamen ou résiliation de certains contrats entre des opérateurs économiques et l’Etat, …(Entretien) 
Billetdujour : Monsieur le responsable de la Commission communication et des NTIC au parlement, la Cour constitutionnelle vient de confirmer la victoire du Président Alpha Condé. Quelle lecture faites-vous de la situation socio-politique du pays ?
Alhousseiny Makanéra Kaké : je voudrais vous dire très sincèrement, que je suis très content en dépit du fait que nous avons regretté les violences postélectorales occasionnées par les messages de certains leaders des partis politiques dont la communication n’était vraiment pas responsable.  Mais, heureusement, ils voulaient une catastrophe mais ce souhait n’a pas eu lieu.  C’est vrai que nous sommes dans une période de tension mais de plus en plus, nous voyons des Guinéens qui se battent pour l’apaisement, à commencer par le Président de la République, le professeur Alpha Condé qui a fait une main tendue envers de tous les autres leaders. Mais aussi et surtout, l’administration qui est en train de se battre pour sécuriser et la justice qui est en train de sévir pour que ceux qui ne respectent pas les règles démocratiques soit mis hors de leurs capacités de nuisance. C’est pour toutes ces raisons, je pense qu’il faut croire en l’avenir de la Guinée. Surtout que le Président de la République a la volonté de rassembler tout le monde. C’est pourquoi, au lendemain de son élection, il a dit que ce n’est ni le RPG qui a gagné, ni le Président Alpha Condé mais c’est toute la Guinée qui a gagné. Lorsqu’une élection est transparente et crédible, elle doit être acceptée de tous. Et, ça sera la victoire de la démocratie, celle de tous les démocrates.
Plusieurs observateurs doutent de la sincérité de la main tendue du Président Condé à cause de nombreuses arrestations de ses opposants. Qu’en dites-vous ?
Je pense qu’il faut faire la différence entre la main tendue du Président de la République et le travail de la justice. Parce que, lorsqu’on fait l’amalgame des deux, c’est qu’on est plus dans une République. La République est caractérisée par la séparation des pouvoirs à savoir l’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire.
Vouloir dire que le Judiciaire, le Législatif et L’exécutif sont dans la main d’une seule personne, c’est qu’on est en train de biaiser la démocratie. Je pense pour qu’il ait la main tendue et qu’il ait la paix, il faut l’ordre et la discipline dans la société. Lorsqu’il n’y a pas de l’ordre, la discipline, on ne peut ni tendre la main, ni vivre en paix. C’est dire que les deux doivent aller ensemble tout en privilégiant l’intérêt supérieur de la Nation.
Parlant des poursuites, certains Guinéens estiment qu’on devrait faire justice pour les cas d’assassinat d’abord. Que répondriez-vous ?
Je voudrais vous dire depuis les premières tueries, l’Etat a pris toutes les dispositions pour faire en sorte que ceux qui tuent soient recherchés et retrouvés. D’ailleurs, il y a des interpellations et même une condamnée. Mais, je vous prie de me croire que la police la plus équipée du monde, la plus puissante ne peut aboutir à une enquête si la population ne collabore pas. Vous remarquez que le plus souvent, là où on parle de tuerie, on ne sait pas qui tue, souvent, ce sont des zones hostiles aux corps habillés dans leur ensemble. Comment voulez-vous que l’enquête aboutisse ? Parce que lorsque vous avez même la tenue de police, si vous êtes seul, vous êtes déjà mort. Alors qu’au fond une enquête doit être minutieuse. Cela exige d’abord de la participation de l’ensemble de ceux qui sont concernés mais aussi, ça doit prendre du temps. Mais lorsque la vie seulement du policier vous agace, vous énerve. Comment vous pourrez aide la police à retrouver les fauteurs de troubles ?
Aujourd’hui, ceux qui sont recherchés, on ne dit pas encore qu’ils sont coupables. Ils sont des présumés coupables jusqu’au moment où ils seront jugés. Parce que seuls les juges détiennent la vérité juridique. Nous autres, on ne peut qu’émettre des opinions. Mais, ceux-là qui ont fait des déclarations à visage découvert, et si on arrive à faire un lien entre les déclarations et les violences qui ont suivi, c’est que d’une manière directe ou indirecte, c’est qu’ils ont participé à ces violences. Vous savez que ces déclarations ont entrainé des pertes en vies humaines du côté des manifestations que du côté des forces de l’ordre voire certains civils. C’est pour vous dire que c’est extrêmement dangereux. Je ne vois aucune raison qu’on puisse faire table rase de ces comportements si on veut protéger la population guinéenne.
Pour apaiser la tension, certains pensent qu’un gouvernement d’union nationale serait salutaire. Qu’en dites-vous ?
Je ne vois aucune importance de gouvernement d’union nationale. Ça va résoudre quoi ? Cela veut dire que les gens ont voulu que d’autres meurent pour qu’ils soient seulement ministres. L’essentiel du combat des politiques ce n’est pas absolument et forcement d’appartenir à un gouvernement mais c’est la défense d’un idéal, de l’intérêt de la population. Il ne faudrait pas qu’on donne une image à la population que les acteurs politiques ne se battent que pour partager des postes. Si demain, on forme un gouvernement d’union nationale où il y a l’UFDG et les autres partis qui étaient pour ou contre la nouvelle Constitution, quelle image qu’on va donner aux Guinéens ? Partout où tu es, si tu fais une prise de position, que tu puisses assumer et défendre.
La meilleure façon de réconcilier les Guinéens, ce n’est pas former une seule équipe, ça c’est biaiser la démocratie. Mais, c’est de faire en sorte que les droits de chacun soient respectés.

En Côte d’ivoire, le rapprochement entre les Présidents Ouattara et Bédié a un peu décrispé le climat politique qui était tendu. Ne pensez-vous pas que si le Président Alpha Condé avait fait la même chose, cela aurait crée une bonne atmosphère dans le pays ?
Mais le Président de la République a déjà fait cet exercice avant M. Ouattara en disant que la main tendue est là. C’est-à-dire qu’il a la volonté de travailler avec tous les Guinéens. Il faut que cela trouve du répondant mais malheureusement, il n’y a pas eu du répondant pour le moment.
Je précise que les réalités de la Guinée et de la Cote d’Ivoire sont absolument différentes.
Nous avons d’un côté des partis politiques qui se battent pour l’instauration et la consolidation de la démocratie, de l’autre, un parti politique qui se bat contre les principes et les valeurs de la République. C’est-à-dire où tout le débat est centralisé sur la communauté. Ce sont là des comportements qui ne peuvent pas faire bouger les lignes sur le plan de la démocratie. Les actes qu’il pose cristallisent la haine.
Le cimetière, c’est pour cristalliser la haine pour qu’on ne puisse jamais oublier. Alors que chaque pays dans ce monde-là a connu des hauts et des bas. Ainsi va la vie. Mais, des gens parviennent toujours à trouver un terrain d’entente et à faire avancer les choses. Quand vous prenez la France, la Russie, … Chaque pays a eu des moments sombres de leur histoire. Mais, unies, c’est ce qui donne plus d’énergie, de force au pays pour rebondir et allez de l’avant.
Le Président de la République exige un réexamen voire une résiliation des contrats conclus avec certains opérateurs économiques. Mais pour certains Guinéens, cette décision est un règlement de compte.  Votre réaction ?
Les gens ne savent pas qu’une administration est complexe lorsque vous devez résoudre les problèmes de plus douze millions de Guinéens, vous ne pouvez pas commencer aujourd’hui et finir le même jour. C’est quand un problème est posé, en cherchant à le résoudre, vous découvrez d’autres problèmes.
Moi, je suis d’accord avec le Président. Ceux qui ne peuvent pas se soumettre à la règle avec l’Etat, qu’on résilie. Il n’y a pas un mauvais moment pour bien faire. Mieux vaut tard que jamais. Si c’est le moment pour que la Guinée puisse aller vers l’émergence, on ne peut que soutenir.
Quand vous prenez les baux entre les opérateurs économiques et l’Etat, vous êtes choqués. Vous allez voir la même personne qui a un bail avec l’Etat, il paye à l’Etat 10 millions de francs guinéens. La même chose sans aucun investissement, il donne le bail à un autre à plus de 100 millions de francs guinéens. C’est inacceptable. Personne ne doit accepter ça. Cette situation ne peut pas continuer.
Au regard de tout ce que la Guinée traverse, quel message avez-vous à lancer ?
Je suis vraiment très peiné quand je vois des Guinéens s’entretuer surtout pour des motifs politiques. Alors que la politique doit être un outil de développement et un facteur d’unité nationale. Je voudrais dire à ces jeunes, on ne peut pas les comprendre lorsqu’on dit à la fois que le pays est très pauvre, il n’y a pas d’infrastructures et on voit les mêmes jeunes détruire  le peu qui existe.  Celui qui est là aujourd’hui, ce n’est pas lui qui a construit tout ce qui existe dans le pays. Avant lui, certains ont construit. Si à chaque fois qu’on s’énerve, on pille, on tue, on détruit le peu qui existe, comment voulez-vous qu’on avance ?
Je veux dire au peuple de Guinée que personne n’a a gagné dans une guerre. Si nous nous plaignons aujourd’hui qu’il n’y a pas d’eau, de bons bâtiments, de bonnes routes, … si la guerre éclate, ce sont les routes qu’on abandonne pour rester dans la brousse. S’il y a la guerre, ce sont les maisons qu’on abandonne pour rester dans la brousse.
Une compétition électorale est normale. Chacun vote pour celui qu’il veut mais au lendemain de cette élection, s’il y a quelqu’un qui gagne dans les urnes, les autres sont dans l’obligation de reconnaitre celui qui a gagné. Votre volonté de faire de quelqu’un Président, est une chose.  Avoir le bonheur avec un Président en est une autre.

Propos recueillis par Mouctar  Kalan Diallo