Au Sénégal, la mobilisation de la société civile se met en place pour s’opposer au report de l’élection présidentielle, pour s’opposer aussi au fait que le président Macky Sall reste au pouvoir jusqu’au scrutin annoncé pour le 15 décembre 2024. 
Des Sénégalais lors d’une manifestation au Plateau à Dakar, le 5 février 2024.
Des Sénégalais lors d’une manifestation au Plateau à Dakar, le 5 février 2024.
Dans une tribune, des juristes de tout le pays et de la diaspora ont interpellé le chef de l’État, ils estiment que Macky Sall a mis en place « un plan de liquidation de la démocratie » et ils appellent « les Sénégalais à s’ériger contre cette forfaiture ».
Selon le professeur de droit constitutionnel, Babacar Gueye, professeur à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, également président du Collectif des organisations de la société civile pour les élections, cette loi viole « gravement la Constitution ». « À présent, j’attends du Conseil constitutionnel qu’il prenne ses responsabilités, parce que le Conseil a l’habitude de se déclarer incompétent à chaque fois qu’il s’est agi de contrôler la constitutionnalité d’une loi constitutionnelle. J’espère que cette fois-ci, au moins, puisque c’est l’avenir de notre pays qui est en jeu, le Conseil déclarera inconstitutionnelle cette loi », déclare le professeur de droit.
Auprès de RFI, Babacar Gueye se dit inquiet pour l’avenir du Sénégal et de ses institutions : « S’il se déclare incompétent sur le plan légal, ce coup contre la démocratie va triompher. Le Sénégal faisait figure un peu d’exception en Afrique de ce point de vue-là, mais je crois que cette exception est terminée, et je crois que le Sénégal va devenir la risée en Afrique. »
« On n’en est jamais arrivés là dans ce pays »
Dans le même temps, le chanteur et ancien ministre du Tourisme, Youssou N’Dour a indiqué « s’opposer au report de l’élection » : « Nos rendez-vous démocratiques s’imposent à nous tous et le peuple souverain sera le dernier juge ».
Le chanteur engagé Didier Awadi, panafricaniste convaincu, rare dans les médias sur les questions politiques, affirme à RFI qu’il est KO debout. « Là, on est vraiment tous groggy. On a suivi la tragi-comédie à l’Assemblée nationale. J’ai vu des gens à l’Assemblée nationale qui étaient censés nous expliquer pourquoi il fallait reporter, j’ai écouté du début à la fin, je n’ai rien compris. Je pense qu’aucun des Sénégalais n’a compris et donc j’ai juste vu, par contre, les gendarmes rentrer dans l’Assemblée nationale et déloger manu militari l’opposition, et ça a ajouté à mon choc et au scandale de tout ce qui se passe. On n’en est jamais arrivés là dans ce pays. Il ne faut pas se voiler la face, on est en zone très trouble, le pays ne sera pas stable, les gens seront sous tension, le Sénégal ne doit pas rajouter une couche à la tension sous-régionale. Comme quoi, on n’a pas le monopole de la sagesse. »
Un des membres fondateurs du mouvement Y’en a marre : Malal Talla, alias Fou malade, rappeur, estime pour sa part que la société civile a toujours alerté sur la gestion du pouvoir de Macky Sall : « Macky Sall persiste dans sa volonté de confisquer la démocratie, de remettre en cause effectivement tous les acquis démocratiques depuis l’indépendance jusque-là […]. Ce que Macky Sall a fait, c’est un véritable coup d’État institutionnel.  Maintenant, la société civile a alerté depuis très longtemps. »
Pour Malal Talla, le peuple sénégalais fera entendre sa voix : « Ce qui va se passer, c’est que les populations ne sont pas contentes. Je pense que Macky Sall doit avoir véritablement peur, doit interpréter, doit analyser avec lucidité ce silence de la population. Personne ne sait quand, mais la rue se prononcera parce qu’effectivement, ce qui se passe, c’est une atteinte à la souveraineté du peuple sénégalais. Le peuple a compris que sa volonté a été confisquée et le peuple agira à sa manière. »
Source: Rfi