Le clash est parti d’un contrat de 30 millions d’euros obtenu par la Soguidex (Société guinéenne de distribution d’explosifs) à la SAG. Depuis 2004, rien ne va plus entre l’entrepreneur guinéen Mamady Nabé, fondateur de la Soguidex et son partenaire marocain de la Cadex, Ali Youssefi et son fils Jawad. Explications.

Billetdujour.com: Parlez-nous de votre entreprise et du différend qui vous oppose à votre partenaire marocain ? 

Mamady Nabé : J’ai fondé la Société guinéenne de distribution d’explosifs (Soguidex) en 2001 en République de Guinée dont je suis l’actionnaire unique. Le 7 avril 2004, j’ai conclu un accord de fusion avec le  marocain Ali Youssefi, qui était le Président de la Compagnie africaine des explosifs, en abrégé Cadex, sise à Casablanca au Maroc. Entre Soguidex représentée par son fondateur Mamady Nabé et le groupe Cadex représenté par son président Aly Youssefi, l’accord a été paraphé en présence de Maître Bachir Barry, paix à son âme !, qui était mon conseiller. J’ai cédé deux tiers des actions de l’entreprise Soguidex à Cadex. Cela a été acté par le cabinet d’audit Ernst &Young et notarié par Maître Yansané Fatoumata Yarie Soumah notaire. Quelque temps après la conclusion de l’accord,  un différend nous a opposé. J’ai demandé l’arbitrage de la Chambre d’arbitrage de Guinée. J’ai gagné le procès. En 20018, ils sont revenus pour me demander pardon afin qu’on reprenne les activités. Ils sont passés par plusieurs amis et mes parents, précisément mon grand frère. Finalement, j’ai accepté. En 2019, Soguidex a eu un contrat de cinq ans avec SAG (Société aurifère de Guinée) d’une valeur de 30 millions d’euros. Depuis ça, je ne sais plus comment mon entreprise est gérée. Je suis le fondateur de Soguidex, actionnaire de 32%, et Directeur général adjoint de la Soguidex. A ma grande surprise, aujourd’hui, Soguidex est gérée par procuration faite et signée par Jawad Youssefi sans être entérinée au préalable par le conseil d’administration.

Où en êtes-vous avec le dossier judiciaire de votre entreprise ?

En 2016, j’ai créé une autre entreprise qui s’appelle Société Niger Ingénierie Construction Commerce Général et Services (Nicoss Sarlu) parce que, ma profession c’est ça, je vie de ça. Nicoss importe des explosifs et les distribue. Quand on a repris les activités de Soguidex en 2019 avec un contrat très précis et un client reconnu mondialement pour sa rigueur et sa transparence, l’entreprise Nicoss était en pleine activité. Mes partenaires se plaignaient beaucoup et disaient qu’on n’a pas de départ. A la demande de mes partenaires de Soguidex, pour souder les périodes difficiles du redémarrage, on a fait appel aux produits de Nicoss que je prenais et je faisais escorter par les autorités spécialisées du dépôt de Nicoss situé à Dubréka jusqu’à la mine de la Sag à Siguiri pour ne pas entraver le contrat signé avec la Sag. Les factures de ces montants ont été payées par le client final qui est la Sag. Mon partenaire marocain a refusé de payer Nicoss tout simplement parce que, selon lui, Soguidex venait de redémarrer. Il m’a proposé de sortir de Soguidex, c’est-à-dire que j’abandonne mes 32% d’actions dans Soguidex pour qu’il paye la facture de la prestation de Nicoss.

Finalement, qu’est-ce que je découvre ? Le 6 novembre 2023, suite à la demande de mon avocat, on découvre que le 26 mars 2021 mon partenaire avait fait des nouveaux statuts en s’attribuant 7% des actions et sans titre au sein de l’entreprise sur la base d’un protocole d’accord falsifié et daté du 7 avril 2004. Ensuite, nous avons découvert plusieurs autres faux actes. Par exemple, moi qui n’ai pas participé au Conseil d’Administration du 3 octobre 2019 à Casablanca ni effectué un mouvement de transfert des fonds quelconque, mais je découvre des documents faits à cette date dans les mains des tierces personnes. J’ai trouvé encore qu’il y a eu d’autres conseils d’administration en 2019 et en 2020 où est écrit que Soguidex n’a pas fait de conseil d’administration pour cause d’épidémie de la Covid-19. Cette contradiction, lui qui a fait ces actes-là et enregistré au Maroc, c’est à lui de clarifier ça. Dans ce cadre-là, on a porté plainte contre lui au Tribunal du commerce pour l’annulation des actes établis au Maroc par notre partenaire Jawad Youssefi et mis en la forme authentique par l’étude Maitre Fatoumata Yarie Yansané à Conakry. Lorsque nous avons saisi le montant de 3 milliards 124 millions que la Soguidex doit à Nicoss sans les dommages et intérêts, finalement je trouve qu’ils ont porté plainte contre moi devant le tribunal de première instance de Kaloum datée du 19 octobre 2023 pour abus de biens sociaux et complicité. La question que je me pose est celle de savoir, comment je peux détourner les biens d’une société que je ne gère pas, mais qui est gérée au Maroc par Jawad Youssefi. Je suis persuadé qu’il y a des mains noires derrière cette histoire dont un monsieur qui se présente comme Habib Bocar Ly titulaire d’un passeport dont je ne donne pas ici le numéro et qui est bien connu en Guinée.

A votre avis, quelle est l’origine du blocus auquel vous faites face actuellement ?

J’ai été mis aux arrêts en pleine séance du conseil d’administration de la Soguidex à l’hôtel Kaloum le 27 octobre 2023 à 12h10 et conduit au Haut commandement de la gendarmerie. J’ai été emprisonné à 21h36 ce vendredi 27 octobre. Où j’ai été maintenu et accusé des faits de coups et blessures volontaires et injures publiques jusqu’au 31 octobre 2023. Le 31 octobre 2023 à 14 heures, j’ai été présenté au procureur qui m’a mis à la disposition du juge d’instruction. J’ai été entendu. Mais jusqu’ici la requête formulée par mon avocat et relative aux enregistrements vidéo de l’hôtel Kaloum qui constituent ma défense dans cette affaire n’a pas eu de réponse. Aussi, j’ai découvert, à ma grande surprise, qu’une autre plainte avait été formulée contre moi avant mon arrestation le 27 octobre 2023. Et ça, je suis sûr et certain que les autorités marocaines ne sont pas informées de ça. Ils sont en train de jouer comme ils m’ont toujours dit qu’en Guinée si tu as de l’argent, tu peux faire tout ce que tu veux. Ils sont en train de me prouver ça. Je ne serais pas d’accord avec cette manière de penser que quand on a de l’argent on peut se permettre tout. Je veux que ce jugement soit fait et donner raison à qui de droit. Ça c’est inacceptable. Je préfère laver mon honneur. Aujourd’hui je suis très surpris de voir ces plaintes-là contre ma personne. J’ai été voir le procureur du tribunal de Kaloum pour les lui montrer et lui dire que ces plaintes-là doivent être jugées. Je souhaite que cette affaire soit jugée pour montrer à l’opinion publique nationale, africaine et internationale ce que cet investisseur marocain Jawad Youssefi président du groupe Cadex est en train de faire dans mon pays.

 Entretien réalisé par Alpha Keita