Avec lui nous sommes revenus sur l’actualité sociopolitique du moment: la transition en Guinée; les joutes verbales entre les autorités guinéennes et le président Bissau guinéen; en passant par les sanctions que vient d’infliger les chefs d’Etat de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, CEDEAO…
L’Administrateur général de la plateforme de jeunesse Cellule Balai citoyen, CBC, François Kolié, a sans langue de bois répondu aux préoccupations de notre reporter.
Billetdujour.com: Quelle lecture faites-vous de la transition en Guinée? 
François Kolié: Merci pour la question, je voudrais profiter pour vous remercier, le fait de penser à notre organisation, pour que nous donnons aussi notre point vue, par rapport à la situation sociopolitique de notre pays. Au fait, la transition guinéenne, il faut se dire la vérité, c’est une transition qui est en train de tanguer. Nous avons eu l’espoir dès le départ que cette transition devrait être la dernière et que les actions menées devraient permettre de mettre les vrais jalons sur pied pour notre jeune démocratie, mais très malheureusement, je crois que le Comité national pour le rassemblement et le développement, CNRD, le gouvernement, le Conseil national de la transition ne sont pas allés dans ce sens, ils ont plutôt privilégié les rapports de forces que de négocier avec les acteurs sociopolitiques. Comme vous le savez partout, où il y a une transition, c’est déjà une crise, mais le simple fait que nos autorités ne reconnaissent pas qu’on est dans une crise cela pose déjà un véritable problème. Il est nécessaire pour nous aujourd’hui qu’on en parle pour que les nouvelles autorités puissent revenir à de meilleurs sentiments.
Le chef de l’Etat de la Guinée Bissau, président en exercice de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest s’est exprimé sur cette problématique, ce qui a heurté les autorités Conakry. Quelles sont vos impressions? 
Il faut se dire que nous avons à faire à des hommes d’État qui n’ont pas d’expériences. Lorsqu’un chef d’État de la CEDEAO se prononce, je crois qu’il y a des voies bien indiquées pour lui répondre.
Pour vous regard de ce qu’Umaru Embalò a dit, est-ce que ça valait la peine de se prêter à ce spectacle?
Il s’est prononcé en tant que président faisant parti de la CEDEAO, mais aussi président en exercice de la même institution. Je crois que ce n’était pas la peine qu’un secrétaire général de la présidence ou un premier ministre sort pour le répondre. Il y a des voies diplomatiques légales bien indiquées qui devraient servir de réponse à monsieur Embalò, mais très malheureusement, les gens se sont engouffrés dans quelque chose qu’ils ne maîtrisent pas. Et voilà, nous allons vers les sanctions et c’est dommage pour le peuple de Guinée.
Beaucoup estiment au regard des joutes verbales que nos autorités guinéennes se sont adonnées, la sortie de la crise ce n’est pas pour demain? 
Ça se voit déjà. Regardez par exemple, lors de la célébration de l’an un au pouvoir du CNRD. J’ai écouté le secrétaire général à la présidence qui disait que jusqu’à présent, il ne reconnaît pas que nous sommes dans une crise. Donc si les gens qui sont au haut sommet de l’Etat ont ce genre de réactions, je pense que la sortie de la transition, ça sera très compliqué. Il est donc important que les acteurs sociopolitiques se retrouvent afin de pouvoir contraindre ce CNRD pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel.
Des sanctions de la CEDEAO sont tombées. À votre avis ces sanctions sont-elles utiles pour une sortie de crise? 
Si les autorités pouvaient mesurer le niveau de ces sanctions ou bien les dommages que ces sanctions pourraient causer au peuple de Guinée, je crois que ce n’est pas la peine de recourir à des rapports de forces avec la CEDEAO. Parce que ceux qui nous dirigent aujourd’hui n’ont pas participé à ce que la Guinée soit membre de la CEDEAO, ils sont nés, trouvé que nous sommes membre de cette institution sous régionale. Et on nous a dit que notre pays a été une nation pionnière pour la création de la CEDEAO. Donc aujourd’hui, si les générations qui sont venues après, sont en train de jouer avec cette relation, c’est dommage pour notre pays. Ils ne connaissent vraiment pas ce qu’on appelle vivre en communauté dans une sous-région, parce que la CEDEAO a donné beaucoup plus de temps à la junte guinéenne pour qu’elle revienne à la raison, malheureusement, au fur et à mesure que le temps passe, la junte se radicalise et la situation se complique. Et de l’autre côté, les acteurs sociopolitiques se radicalisent également, ça devient préoccupant. Il faudrait vraiment que nous posons la balle à terre pour une sortie de crise rapide.
M. Kolié, que répondez-vous aux observateurs qui estiment que l’échec de la transition menée par le CNDD, c’était dû aux acteurs politiques. Mais par contre cette transition-ci, elle échouera à cause des acteurs de la société civile guinéenne? 
Non, c’est vraiment un raccourci, si je peux m’exprimer ainsi. Vous savez pour qu’un pouvoir civil ou militaire se maintient ou bien qu’il y ait de mauvaises gestions, ce sont des forces défense et de sécurité qui font asseoir le pouvoir. Aucune dictature civile ou militaire, ne peut prospérer, en dehors de l’armée. Vous avez vu lors de la campagne du troisième mandat, ce sont des forces de défense et de sécurité qui sont venues réprimer les manifestations. Il y a eu de morts, et jusqu’à présent, il n’y a pas eu de jugements, ils avaient engagé des enquêtes autours de ça, mais dès lors qu’il y a eu bras de fer entre la junte et le Front national pour la défense de la Constitution, ils ont mis de côté, ils savent qu’ils sont en danger, parce qu’à leur temps aussi, il y a eu de morts. Donc accusé des acteurs sociopolitiques d’être à la base des différentes crises, ça peut-être vrai sur un angle, mais de l’autre côté, ceux qui sont venus aussi ne sont pas blancs.
Pour une transition réussie. Que conseilleriez-vous aux acteurs sociopolitiques du pays? 
Nous, on avait déjà fait une proposition, non seulement de la durée mais aussi du contenu de la transition. Nous nous sommes dit que les deux premiers points qui ont été cités par le gouvernement, ce n’était vraiment pas la peine qu’on tarde là-dessus, il fallait éliminer entièrement ces deux points et passer directement aux questions électorales pour que nous puissions revenir très bientôt à l’ordre constitutionnel. Mais nous voyons que le CNRD est dans une position de confiscation du pouvoir et dès que cela n’est compris en compte par la partie adverse, je crois que ça sera très compliqué pour qu’il y ait une transition. Donc, le message que je voudrais envoyer envers de nos autorités, c’est de leur dire que s’ils sont venus d’une bonne foi, débarrasser le peuple de Guinée d’un dictateur. Je crois que la même bonne foi, devrait leur conduire à ce qu’ils mettent les choses très rapidement sur place, consulter la classe sociopolitique et prendre aussi leurs observations en compte, parce qu’ils ont fait plusieurs rencontres, sans que leurs propositions ne soient prises en compte.
Entretien réalisé par Richard TAMONÉ pour Billetdujour.com