Hadja Aïssatou Barry est la présidente de l’ONG AGUIAS (Association Guinéenne de l’Assistance sociale) et activiste de lutte contre les violences basées sur le genre. Elle est aussi la Représentante régionale de League Assistance aux enfants et détentrice du numéro Vert 116. Dans cet entretien qu’elle a bien voulu nous accorder à l’occasion de la célébration en Guinée de la Journée internationale de tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines/de l’excision (MGF/E), le 06 février dernier, nous sommes revenus sur les efforts, défis dans le cadre de la lutte contre ce mal.  Lisez
Billetdujour.com : L’humanité vient de célébrer le 06 février la Journée internationale de tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines. Quelles sont impressions ?
Hadja Aïssatou Barry : Elles sont plus ou moins bonnes. Parce que je ne suis pas complètement contente du niveau d’abandon de ces pratiques en tant qu’activiste de deuxième heure.  N’ayant moins, nous avons quelques hommes et femmes qui nous ont compris et qui sont en train de nous rejoindre dans la lutte contre ce mal social.
Par rapport aux objectifs qu’on se fixe, nous sommes préoccupés par certains changements dans la pratique. Il y a eu une migration des mutilations génitales féminines. Avant, on excisait les enfants à partir de 10 ans jusqu’à 13 ans.  A cet âge, l’enfant a le pouvoir s’exprimer, de décider bien que c’était aussi un sujet   tabou. L’enfant avait honte de ne pas être excisée.  Aujourd’hui, l’enfant, la jeune fille a tous les pouvoirs de s’exprimer, de communiquer sur la chose pour essayer de l’empêcher.  Mais malheureusement, la migration est faite vers les filles de deux à trois ans. Ce sont elles qu’on excise. On ne peut pas remarquer. C’est pour dire que la lutte devient encore plus ardue. Je pense qu’on a beaucoup à faire par rapport à l’abandon. Or, mon objectif est que le rêve devienne une réalité.
En quoi faisant ?
A travers l’implication de chacun et de tous, l’application effective des lois. Nous avons pensé qu’il faut mettre en place un espace d’alertes précoces qui pouvaient permettre aux gens de dénoncer. C’est pourquoi, nous avons initié et implémenté un numéro Vert, le 116 qui permet aux citoyens de dénoncer ces pratiques néfastes dans la plus grande confidentialité, discrétion mais aussi dans l’anonymat.
Cet espace nous a permis d’identifier, de prendre une exciseuse en flagrant délit qui a été condamnée à 2 ans assortie se sursis avec le payement d’une amende d’un million. C’était d’ailleurs le premier cas de condamnation d’une exciseuse.
En dépit des multiples efforts, le mal persiste. Votre réaction ?
C’est devenu une source de revenue économique. Parce qu’aujourd’hui, on voit que chaque excisée a une marraine, il y a des valises qui viennent et les gens contribuent. C’est là où le bât blesse.  Mais il y a certaines qui n’excisent pas. Ils ne font que des simulations afin de pouvoir organiser des cérémonies qui les rapporteront de l’argent. C’est pourquoi, il faudra que la sensibilisation se multiplie davantage.
Que répondez-vous à ceux qui estiment qu’il faut accompagner financièrement celles qui font cette pratique ?
Bon, ça peut être une stratégie de lutte. Mais, moi, je ne suis pas très favorable à cette option. Parce qu’on en a déjà fait. Nous avons commencé par ça.  Il y a certaines bénéficiaires de nos aides qui continuer la pratique en cachette.
J’aurais préféré qu’on me parle de réintégration, de réinsertion de ces exciseuses. Compte tenu du fait qu’elles sont déjà habituées à toucher le sexe mais on peut leur réorienter dans les maternités comme des matrones, des accoucheuses traditionnelles avec le modernisme et faire bénéficier de cette formation. Avec cette stratégie, elles pourront   gagner aussi les moyens de substantielles.
Quel message voulez-vous lancer ?
C’est de rappeler que les mutilations génitales féminines sont des pratiques néfastes qui peuvent entraver psychologiquement, physiquement, intellectuellement mais aussi empêcher les femmes de participer au développement. C’est une violation grave de leurs droits fondamentaux. Il faut que les religieux nous accompagnent dans cette lutte noble et légitime.
Certains disent que l’excision est faite pour freiner la sensibilité de la femme mais malheureusement ce sont celles qui sont excisées qui sont les plus nombreuses dans les lieux de prostitution.   Par contre au Sénégal, les Wolofs n’excisent pas. Mais on ne les voit pas dans les débauches. C’est une question d’éducation. Il faut éduquer, sensibiliser la population. En Guinée, il y a beaucoup d’espoir pour éradiquer l’excision parce que l’Etat même est impliqué.
Mouctar Kalan Diallo pour  Billetdujour.com