Défenseur révolutionnaire et joueur de classe mondiale, le «Kaiser» Beckenbauer est décédé ce lundi 8 janvier à 78 ans. Champion du monde avec la RFA comme capitaine en 1974 puis comme sélectionneur en 1990, il avait aussi brillé comme dirigeant du Bayern.
Capitaine de l’équipe d’Allemagne (alors de l’Ouest), Franz Beckenbauer brandit la Coupe du monde, sous les yeux de ses coéquipiers en équipe nationale et au Bayern Munich Sepp Maier et Paul Breitner, le 7 juillet 1974 à Munich.
«La Faucheuse» l’a rattrapé, lui qui ne taclait jamais. Défenseur de grande classe, célèbre pour son port altier et ses passes de l’extérieur du pied droit, Franz Beckenbauer est mort ce lundi 8 janvier à l’âge de 78 ans, a annoncé la Fédération allemande de football. Cette nouvelle un peu inattendue, bien qu’on le savait affaibli et, depuis quelque temps, aveugle d’un œil, attristera à n’en pas douter tous les amateurs de football. Le monde du ballon rond perd un gentleman des stades et l’Allemagne le plus grand joueur de sa très riche histoire.
Si Franz Beckenbauer, né à Munich le 11 septembre 1945, a aujourd’hui dépassé Fritz Walter et Uwe Seeler dans la mémoire collective, il le doit autant à son palmarès qu’à son élégance. Joueur, il passa l’essentiel de sa carrière au Bayern Munich, avec lequel il gagna quatre championnats d’Allemagne (1969, 1972, 1973 et 1974) et surtout trois fois consécutivement la Coupe d’Europe des clubs champions (devenue Ligue des champions) en 1974, 1975 et 1976. Ce Bayern, qui avait mis fin à la domination de l’Ajax d’Amsterdam (alors orphelin de Johan Cruyff, parti au FC Barcelone), composait l’ossature de la sélection ouest-allemande (avec Sepp Maier, Paul Breitner, Hans-Georg Schwarzenbeck, Ueli Hoeness, Gerd Müller) qui remporta l’Euro 1972 et surtout la Coupe du monde en 1974, battant à domicile en finale les Pays-Bas, avec Cruyff cette fois.
Une rivalité somptueuse
Beckenbauer/Cruyff, c’était dans les années septante une rivalité somptueuse, comparable à celles de Platini et Maradona dans les années 1980 ou plus récemment de Messi et Cristiano Ronaldo. L’époque se prenait alors moins au sérieux et le «Kaiser» et «le Hollandais volant» entretenaient des liens d’amitiés et de profond respect. Mais tous, de Cruyff à Messi en passant par Platini, Maradona et d’autres (van Basten, Ronaldo le Brésilien) étaient des milieux offensifs ou des attaquants, alors que Beckenbauer jouait défenseur. Il l’était d’une manière unique, révolutionnaire, qui lui vaut d’être le seul joueur défensif deux fois lauréat du Ballon d’or (1972 et 1976).
Avec lui, le libéro (joueur libre censé colmater les brèches entre sa ligne de défense et son gardien) est devenu le premier contre-attaquant, ainsi qu’un meneur reculé, un peu à la manière d’un quarterback en football américain. Le beau Franz remontait le terrain balle au pied, prenait parfois appui sur son ami Gerd Müller, ou adressait une passe millimétrée de ses légendaires extérieurs du pied, des frappes qui avaient l’avantage de nécessiter peu de préparation et donc de surprendre l’adversaire. L’effet donné au ballon, alors fait d’un cuir que l’on pouvait travailler, provoquait des trajectoires incurvées qui contournaient l’obstacle pour retomber miraculeusement devant un coéquipier.
Une première Coupe du monde en 1966
Avant d’être un général d’artillerie à l’arrière, le «Kaiser» avait fait ses premières armes au cœur de la bataille, comme milieu de terrain. C’est à ce poste que, encore adolescent, il dispute sa première Coupe du monde en 1966 en Angleterre. Il marque deux buts contre la Suisse à Sheffield, un autre au légendaire Lev Yachine en demi-finale mais la RFA perd dans des conditions douteuses en finale à Wembley contre l’Angleterre (4-2 après prolongations).
Quatre ans plus tard, au Mexique, la Mannschaft s’incline en demi-finale contre l’Italie (4-3 après prolongations) dans un match homérique, l’un des quatre ou cinq plus légendaires de l’histoire de la Coupe du monde. Beckenbauer termine avec une épaule luxée et le bras en écharpe. Le temps des victoires viendra durant la décennie suivante. Gloire et fortune faites, il rejoint Pelé au Cosmos de New York, de 1977 à 1980, avant de revenir finir sa carrière sur un ultime titre à Hambourg en 1982.
Retraité, il est nommé sans transition ni beaucoup de préparation sélectionneur de l’équipe de RFA après le fiasco de l’Euro 1984. Avec lui, la Mannschaft perd en finale de la Coupe du monde 1986 contre l’Argentine de Maradona (3-2) mais prend sa revanche quatre ans plus tard, en Italie, contre le même adversaire (1-0). Beckenbauer, qui a rejoint le Brésilien Mario Zagallo dans le club des champions du monde comme joueur et entraîneur, est au sommet à l’été 1990, mais il se fourvoie en signant à l’Olympique de Marseille, où Bernard Tapie le congédie en quatre mois.
Le «kaiser» retourne alors à son cher Bayern, d’abord comme entraîneur (1994-1996) puis surtout comme président, entouré d’autres anciens (Maier, Müller, Hoeness, Rummenigge). Il fait du géant de Bavière une marque mondiale à l’ambiance familiale. La voie est tracée et les drames (la mort de Gerd Müller, celle en 2015 de son fils Stephan, qui fut un éphémère joueur du FC Granges) et mêmes les scandales (son implication dans le scandale de pots-de-vin autour de l’attribution de la Coupe du monde 2006 à l’Allemagne, la peine de prison infligée à Ueli Hoeness), n’y changeront rien: Franz Beckenbauer était et restera le «Kaiser».
Synthèse Binta Wann