La Quatrième Commission achève son examen des points relatifs à la décolonisation en adoptant une série de projets de résolution
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Ce matin, la Quatrième Commission, chargée des questions politiques spéciales et de la décolonisation, a conclu son examen des points de son ordre du jour portant sur la décolonisation en adoptant 24 projets de résolution et de décision, dont 20 figurent dans le rapport du Comité spécial chargé d’étudier la situation en ce qui concerne l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux sur ses travaux de 2024.  L’adoption, en fin de séance, d’un texte inédit concernant l’élimination du colonialisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations a divisé les délégations.
La Commission a tout d’abord adopté, par 157 voix en faveur, une voix contre (États-Unis) et 5 abstentions (France, Paraguay, République démocratique du Congo, Royaume-Uni et Sénégal), le projet de résolution I concernant les renseignements relatifs aux territoires non autonomes, par lequel l’Assemblée générale prierait les puissances administrantes de respecter les obligations qui leur incombent s’agissant de chaque territoire figurant à l’ordre du jour du Comité spécial.  Elle les prierait également de communiquer régulièrement au Secrétaire général des renseignements techniques relatifs à la situation socioéconomique ainsi qu’à l’évolution politique des territoires dont elles sont responsables.
Les États-Unis ont d’emblée tenu à exprimer leur préoccupation concernant les projets de résolution I, II, III, XVIII et XIX, en critiquant l’accent mis dans ces textes sur l’accès à l’indépendance des territoires non autonomes, alors que ceux-ci peuvent également faire le choix de la libre association ou encore de l’intégration.  Le délégué américain en outre a jugé « simpliste » l’affirmation voulant que toute présence militaire est préjudiciable aux droits et aux intérêts des peuples de ces territoires.
En adoptant, par 160 voix pour, une voix contre (États-Unis) et 2 abstentions (France et Royaume-Uni) le projet de résolution II, concernant les activités économiques et autres préjudiciables aux intérêts des peuples des territoires non autonomes, l’Assemblée générale réaffirmerait qu’il incombe aux puissances administrantes d’assurer le progrès politique, économique et social des peuples des territoires non autonomes, ainsi que leurs droits légitimes sur leurs ressources naturelles.
Après le vote, l’Argentine a estimé que l’application de ce texte est tributaire de la pertinence du principe d’autodétermination pour un territoire donné.  En cas d’absence de « sujet actif », comme c’est le cas, selon elle, dans les Îles Malvinas « occupées par le Royaume-Uni », ce principe ne saurait être appliqué.
La Commission a ensuite entériné le projet de résolution III, intitulé « Application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux par les institutions spécialisées et les organismes internationaux associés à l’Organisation des Nations Unies », par 113 voix pour, une voix contre (États-Unis) et 52 abstentions.  En adoptant ce texte, l’Assemblée générale recommanderait aux États d’intensifier leurs efforts afin de garantir l’application de la Déclaration.  Elle prierait les institutions spécialisées de l’ONU ainsi que les organisations internationales et régionales d’examiner la situation dans chaque territoire afin de prendre des mesures susceptibles d’accélérer les progrès socioéconomiques.
Le Royaume-Uni a réaffirmé son appui aux institutions spécialisées qui offrent leur appui aux territoires non autonomes, leur statut devant cependant être pleinement respecté. Pour l’Argentine, ce texte doit s’appliquer à toutes les décisions et résolutions prises par l’Assemblée générale et le Comité spécial de la décolonisation.
En adoptant le projet de résolution portant sur les Dispositifs offerts par les États Membres aux habitants des territoires non autonomes en matière d’études et de formation, l’Assemblée générale exprimerait sa gratitude aux États Membres qui ont mis des bourses d’études à la disposition des habitants des territoires non autonomes.
Poursuivant ses travaux, la Commission a centré son attention sur les projets de résolution concernant 16 des 17 territoires non autonomes inscrits à son ordre du jour. Elle a tout d’abord entériné un projet de décision déposé par la Présidente concernant la question de Gibraltar, texte par lequel l’Assemblée générale demanderait instamment aux Gouvernements de l’Espagne et du Royaume-Uni d’apporter une solution définitive à cette question.  Elle noterait en outre que le Royaume-Uni souhaite conserver le Forum tripartite de dialogue, instance que l’Espagne propose plutôt de remplacer par un nouveau mécanisme de coopération locale au sein duquel les habitants du Campo de Gibraltar et de Gibraltar sont représentés.
La Commission a également adopté le projet de résolution concernant la question du Sahara occidental, en vertu duquel l’Assemblée générale appuierait le processus de négociation lancé par la résolution 1754 (2007) et d’autres résolutions du Conseil de sécurité afin de parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable permettant l’autodétermination du peuple du Sahara occidental, et louerait à cet égard les efforts déployés par le Secrétaire général et son Envoyé personnel pour le Sahara occidental.
Au nom de l’Union européenne, la Hongrie a incité les parties à faire montre de volonté politique et de réunir des conditions propices au dialogue afin de passer à la prochaine étape des négociations, de bonne foi et sans condition préalable.  Elle s’est néanmoins inquiétée des effets de la crise de liquidités de l’Organisation sur les activités de la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO).
La Commission a procédé à l’adoption, sans vote, des projets de résolution annuels IV à XVII, portant sur les questions des Samoa américains, d’Anguilla, des Bermudes, des Îles Vierges britanniques, des Îles Caïmanes, de la Polynésie française, de Guam, de Montserrat, de Pitcairn, de Sainte-Hélène, des Tokélaou, des Îles Turques et Caïques et des Îles Vierges américaines.
S’agissant du projet de résolution XII, concernant la question de la Nouvelle-Calédonie, l’Assemblée générale réaffirmerait qu’il appartient au peuple de ce territoire de déterminer librement son futur statut politique, et demanderait à cet égard à la Puissance administrante d’agir en coopération avec le gouvernement du territoire et l’ONU pour mettre au point des programmes d’éducation politique. Elle exhorterait toutes les parties prenantes en Nouvelle-Calédonie, en particulier les forces de l’ordre, à faire preuve de la plus grande retenue afin d’éviter d’aggraver une situation déjà tendue, compte tenu de l’exercice de la proportionnalité par rapport à la situation.
Le projet de résolution XVIII, relatif à la diffusion d’informations sur la décolonisation, a été adopté par 161 voix pour, 2 voix contre (États-Unis, Royaume-Uni) et 2 abstentions (France et Papouasie-Nouvelle-Guinée).  En entérinant cette résolution, l’Assemblée générale approuverait les activités exécutées par le Département de la communication globale (DCG) et le Département des affaires politiques et de la consolidation de la paix du Secrétariat dans le domaine de la diffusion d’informations sur la décolonisation, en mettant l’accent sur les différentes possibilités offertes aux peuples des territoires non autonomes en matière d’autodétermination.
Les obligations envisagées dans ce texte étant « trop lourdes » pour les ressources dont dispose le Secrétariat, le Royaume-Uni a jugé ce texte « inacceptable ».
S’agissant du projet de résolution XIX, intitulé « Application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux », adopté par 120 voix pour, 2 voix contre (États-Unis et Royaume-Uni) et 42 abstentions, l’Assemblée générale prierait le Comité spécial de continuer à chercher les moyens appropriés d’assurer la mise en œuvre immédiate et intégrale de la Déclaration et d’appliquer, dans tous les territoires qui n’ont pas encore exercé leur droit à l’autodétermination, les mesures qu’elle a approuvées touchant les Décennies internationales de l’élimination du colonialisme.
L’Australie a demandé le retrait du paragraphe 14 de ce texte, qui enjoint de mettre un terme à toutes les activités militaires dans les territoires non autonomes.  Or, a-t-elle noté, dans de nombreux cas, ces dispositifs permettent au contraire de renforcer la paix et la sécurité internationales tout en assurant la défense de ces territoires, en plus de leur fournir un appui en cas de catastrophe.
De son côté, l’Argentine a rappelé la doctrine du Comité spécial qui exclut l’envoi de missions de visite dans les territoires non autonomes où il existe un différend de souveraineté reconnu par l’ONU.
Enfin, la Commission a adopté le projet de résolution XX, tel qu’amendé, intitulé « Application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux: élimination du colonialisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations », par 99 voix pour, une voix contre (Fidji) et 61 abstentions.  En entérinant cette résolution, l’Assemblée générale réaffirmerait que tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes et de déterminer librement leur statut politique ainsi que leur développement économique, social et culturel.  Elle déclarerait de nouveau son soutien aux aspirations des peuples soumis à la domination coloniale qui souhaitent exercer leur droit à l’autodétermination.  Elle prierait en outre les pays donateurs, les organisations multilatérales et les autres partenaires de développement en mesure de le faire d’accorder la plus grande attention aux besoins des territoires non autonomes et de tous ceux qui ont pu subir le colonialisme.  Par ce texte, l’Assemblée générale déciderait en outre de faire progresser les débats visant à déclarer le 14 décembre Journée internationale contre le colonialisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations.
Auparavant, la Commission avait approuvé, sans vote, un projet d’amendement à ce texte inédit présenté par le Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies.  Au nom de celui-ci, le Venezuela a déclaré que cette résolution réaffirme les positions communes partagées par la grande majorité de la communauté internationale sur l’avancement du programme de décolonisation ainsi que la lutte des peuples qui, encore aujourd’hui, sont « soumis à la domination coloniale ou étrangère ».  Outre la création d’un nouveau point à l’ordre du jour de la Commission, cette résolution prévoit le développement d’un programme de sensibilisation.  Coauteure de ce texte, la Fédération de Russie a exprimé sa conviction que son adoption ainsi que les programmes d’information et de formation du Secrétariat contribueront à la « défaite finale » du colonialisme.
S’il s’agit de la toute première nouvelle résolution dont la Commission est saisie depuis longtemps sur ce sujet, le Canada a néanmoins déploré, comme de nombreuses délégations dont l’Espagne, les États-Unis et le Japon, le manque de temps nécessaire pour débattre des idées qu’elle contient.  La délégation canadienne s’est notamment inquiétée des incidences budgétaires « significatives » de ce texte, dans un contexte de crise de liquidités, craignant qu’elles n’affectent d’autres questions méritant l’attention de la Commission.
Cet amendement ayant été présenté à la dernière minute aux États Membres, la Nouvelle-Zélande, rejointe par l’Estonie et le Portugal, a exprimé une préoccupation d’ordre procédurale, estimant que la Commission n’était pas en mesure de traiter véritablement une question aussi complexe.  Un avis partagé par le Royaume-Uni, qui a vu dans cette résolution, présentée notamment par la Fédération de Russie et le Venezuela, une tentative « opportuniste et malhonnête » d’instrumentaliser une question sensible à des fins politiques.
Comme la Lituanie, la Pologne a jugé paradoxal que « l’agresseur » de l’Ukraine soit l’un des coauteurs de ce texte.  Ce faisant, la Fédération de Russie « se couvre de ridicule » alors qu’elle poursuit une guerre d’agression « immorale et illégale » contre l’Ukraine, a ajouté l’Australie, minant par ses actions tant la Charte des Nations Unies que l’intégrité territoriale des États.  La délégation ukrainienne a dénoncé à son tour une tentative « opportuniste et hypocrite » de la Russie d’instrumentaliser la question épineuse de la décolonisation pour ses propres objectifs politiques.
La prochaine réunion de la Quatrième Commission aura lieu le lundi, 21 octobre 2024, à 15 heures.
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