C’est parti pour la 5G à Paris. Son déploiement se fera « dans les prochains jours » a annoncé jeudi 11 mars le Président-directeur général (PDG) d’Orange, Stéphane Richard, au lendemain du vote favorable du Conseil de Paris. « La 5G commencera à Paris avant la fin du mois de mars, c’est pour les prochains jours », a déclaré M. Richard sur Europe 1. Pour 2021, 68 élus ont signé en septembre dernier une tribune demandant un moratoire sur cette nouvelle technologie.

Qu’est-ce que la 5G ?

Comme l’indique son sigle, il s’agit de la cinquième génération de réseau mobile.

Laquelle relaie à la 1G, 2G, 3G et 4G arrivées, successivement, au début des années 1980, en 1992, en 2004 et en 2012.

Véritable révolution dans le monde des télécoms, la 5G promet des débits jusqu’à dix fois supérieurs à la 4G. De quoi télécharger des films en un clin d’œil et jouer à des jeux vidéo sans temps de latence. De quoi également connecter entre eux pléthore d’outils électroniques, et faciliter ainsi de nouvelles applications : chirurgie à distance , voitures autonomes, etc.

Pourquoi cette technologie inquiète-t-elle ?

Parce qu’elle émet des ondes électromagnétiques . Invisibles et imperceptibles, celles-ci transportent de l’énergie qui peut induire certains effets biologiques quand elles nous traversent.

De fait, de nombreux outils fonctionnent déjà avec ce type de rayonnements : les téléphones portables utilisant la 2G, la 3G et la 4G, les bornes wi-fi et les objets connectés.

« Seulement, souligne Brahim Selmaoui, chercheur spécialisé en toxicologie expérimentale à l’Ineri, avec l’avènement de la 5G, les antennes émettant de telles ondes devraient se multiplier. Notamment car la 5G nécessite l’installation, dans le mobilier urbain (Abribus…), de petites antennes spécifiques, dites « small cells ».Or cela augmentera notre niveau d’exposition aux ondes »et, potentiellement, les risques associés à ces rayonnements.

Les ondes électromagnétiques sont-elles dangereuses ?

Selon le-rassurant-rapport » sur les aspects techniques et sanitaires du déploiement de la 5G « , remis en septembre au gouvernement, « au vu du grand nombre d’études publiées », il n’existe « pas d’effets néfastes avérés à court terme », c’est-à-dire bien établis après quelques années d’exposition.

Le seul danger confirmé est un risque d’augmentation de la température des tissus biologiques, susceptibles de dégrader leurs protéines et ainsi de les abîmer, en cas d’exposition à des niveaux de puissance importants.

Cependant, »la législation européenne impose pour chaque objet émettant de telles ondes, commercialisé, un seuil à ne pas dépasser, sous lequel la quantité d’énergie apportée est si faible qu’elle n’induit pas cet effet thermique », souligne Yves Le Dréan, enseignant chercheur, spécialiste de l’évaluation de l’impact des ondes électromagnétiques sur la santé, à l’ Irset .

Quid des risques après plusieurs décennies d’exposition ?

Pour le long terme, « des débats persistent « reconnaît le nouveau rapport français. Et pour cause : comme le portable est apparu il y a moins de trente ans, aucune génération n’a à ce jour été exposée aux ondes des portables de la naissance à la mort ; donc aucune étude n’a encore évalué les possibles risques sur la durée de toute une vie humaine.

Néanmoins, certaines études et certaines associations de patients ont pointé une augmentation du risque de cancers ; des effets sur la mémoire, l’attention et la coordination des enfants ; ou encore la survenue d’une  » électrohypersensibilité  » (EHS) responsable de maux de tête, nausées, sensation de brûlure, etc. Mais « ces risques n’ont pas été rigoureusement démontrés, car beaucoup de résultats publiés sont contradictoires… », explique Yves Le Dréan.

Concernant l’ EHS , une récente expertise publiée en 2018 par l’ Anses a conclu à « l’absence de preuve expérimentale solide permettant d’établir un lien de causalité entre les champs électromagnétiques et ce possible trouble… en l’état actuel des connaissances ».

Que sait-on du risque de cancer ?

Une grande étude internationale qui a porté sur 14 000 utilisateurs a bien établi un risque doublé de gliome (une tumeur cérébrale) en cas de forte exposition, d’au moins 1 640 heures cumulées sur dix ans.

Le hic : »toutes les études ne montrent pas ce sur-risque. De plus, si celui-ci était réel, il devrait y avoir une augmentation du nombre de cancer du cerveau en Occident ; or ce n’est pas le cas, hors l’élévation classique due au vieillissement de la population », relève Yves Le Dréan.

Une autre grande étude, américaine, chez le rat cette fois, a rapporté un sur- risque de tumeurs du cœur appelées schwannomes malins, encas d’exposition sur une durée équivalente à soixante-dix ans chez l’humain. Mais ici, »les niveaux d’exposition étudiés étaient bien supérieurs à ceux autorisés »… Bien sûr, la recherche sur ce sujet continue. Et en attendant, l’OMS a classé les ondes des portables  » possiblement cancérogènes pour l’homme « …

La 5G pourrait-elle avoir des risques spécifiques ?

En théorie, oui. Car pour permettre des débits plus importants, cette technologie utilisera des bandes de fréquence plus élevées que celles des réseaux mobiles actuels : d’abord autour de 3,5 GHz, puis à terme -à une date non encore connue -des fréquences de plus de 26 GHz ; contre moins de 3 GHz pour la 4G.

Or, « les possibles effets biologiques ou sanitaires des ondes électromagnétiques dépendraient a priori des fréquences utilisées. Plus la fréquence est haute, plus la portée des ondes est courte et plus elles se concentrent sur les tissus superficiels : peau, muqueuse de l’œil, etc. », explique Brahim Selmaoui.

Quels pourraient être les dangers propres à la 5G ?

Concernant les fréquences les plus basses de la 5G, »comme elles restent proches de celles utilisées pour la 4G et le wi-fi, leurs possibles effets devraient être similaires à ceux de ces deux dernières technologies, décrits précédemment », postule Brahim Selmaoui.

En revanche, pour ce qui est des fréquences les plus élevées, « comme les ondes à ces fréquences se concentrent surtout sur la peau, elles pourraient avoir des effets surtout sur ce tissu, ainsi que les terminaisons nerveuses et la circulation sanguine qui s’y trouvent. »

Il n’empêche, « si l’exposition globale reste faible et bien inférieure aux normes internationales -comme c’est le cas actuellement -, il ne devrait y avoir aucune conséquence sur la santé », rassure Yves Le Dréan. Une expertise sur les possibles risques de la 5G, menée par l’Anses et attendue pour le premier trimestre 2021, devrait permettre d’en savoir plus.

En Europe, certains pays ont déjà lancé la 5G : l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni et la Suisse.

Nos experts :

Brahim Selmaoui, chercheur spécialisé en toxicologie expérimentale à l’Ineris.

Yves Le Dréan, enseignant chercheur, spécialiste de l’évaluation de l’impact des ondes électromagnétiques sur la santé, à l’Irset.