Et de six ! La Guinée compte ses dictatures comme ailleurs, on compte ses usines et ses km d’autoroute ! Là, sous nos yeux, une autre est en train de germer, et comme toujours, dans l’indifférence générale.

Mamadi Doumbouya sait qu’il n’aura aucun mal à régner en monarque absolu. Il a la voie libre : nul obstacle à l’horizon, personne en face pour le taper sur les doigts. Comme ses prédécesseurs, il peut voler ce qu’il veut, tuer qui il veut, déclarer la guerre à l’ethnie qu’il veut : les Guinéens sont des gens mous, résignés, défaitistes, blasés, devenus à la longue, indifférents à leur propre sort.

Le passé, ils s’en foutent, l’avenir ne les concerne pas. De véritables chiffes molles, je vous dis ! Le risque qu’ils se révoltent est quasi-nul. Civils ou militaires, nos dirigeants ne le savent que trop. D’où leur arrogance, d’où leur propension à semer la terreur et à faire couler le sang.

Si le Burkina est le pays des hommes intègres, la Guinée est le pays des hommes soumis. La tyrannie y pousse aussi facilement que le taro et l’igname. Aligner les tyrans, nous n’avons fait que ça depuis 1958 ! Et l’expérience nous a appris que le tyran ressemble au tyran comme la goutte d’eau ressemble à la goutte d’eau.

Ces gens-là sont du même tempérament : tous combinards et répressifs ! Ils procèdent de la même manière : la tactique du ballon d’essai (d’abord une petite gifle et comme le peuple ne réagit pas, la trique puis la grande artillerie) et le recours au bouc émissaire (on stigmatise tel prétendu coupable pour mieux dissimuler ses propres crimes et délits).

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Le mythe Mamadi Doumbouya n’a duré que ce durent les roses. Ce Lieutenant-Colonel n’est pas le sauveur que l’on a cru, un instant. C’est clair à présent, cet ancien légionnaire veut faire comme son mentor Sékou Touré : régner seul, à coup de diète noire et de pendaisons, et le plus longtemps possible. Il a déjà méthodiquement préparé le terrain.

Le baptême de l’aéroport n’a rien de fortuit, c’est un geste mûrement réfléchi, un message fort que les Guinéens feraient bien de décrypter maintenant avant que ne commence le grand déluge. Bizarre, cet acte illégal, délibérément provocateur n’a choqué presque personne ! La nomination du président du CNT, non plus ! Où a-t-on vu ça, le chef de l’Exécutif qui désigne par décret le chef du Législatif. Partout ailleurs, les partis politiques auraient hurlé au loup. Partout ailleurs, la société civile aurait érigé des barricades.

Pire, c’est seulement maintenant après sept mois de pouvoir gratuit (si l’on ose dire) que notre drôle de militaire évoque un chronogramme. Trente-neuf mois ! Presque un mandat présidentiel sans s’encombrer d’urnes et de bulletins de vote ! Et même, le chiffre n’est pas sûr du tout. Trente-neuf mois selon les uns, trente-six, selon les autres ! Dans l’Etat qui est le nôtre, la cacophonie a toujours été la règle ! Trente-six (ou neuf) mois depuis le 5 septembre ou depuis l’adoption par le CNT ? On n’en sait rien. Sur ce point, comme sur les autres, Mamadi Doumbouya préfère entretenir la confusion.

Rien de mieux que la confusion pour fortifier les jeunes tyrans!

Tierno Monénembo