Entretien avec le professeur Glenda Gray, virologue et présidente du Conseil sud-africain de la recherche médicale, qui a participé aux essais.  

RFI : Êtes-vous déçue par l’arrêt de ces essais cliniques ?

Pr Glenda Gray : Bien sûr, nous sommes tous extrêmement déçus de ne pouvoir passer à l’étape suivante. Mais il est très important de poursuivre le travail, afin de pouvoir comprendre qui dans cette étude était protégé et qui ne l’était pas, quel était leur  profil immunitaire. C’est indispensable pour pouvoir continuer le travail sur un vaccin contre le VIH.

Cela veut dire que vous allez pouvoir utiliser ce qui a déjà été fait ?

Nous allons examiner les données dont nous disposons. Parce que le niveau d’efficacité de ce vaccin est bas, environ 25% ; nous allons étudier ce que nous appelons les variables : quelles sont les femmes qui ont été protégées contre le VIH et celles qui ne l’ont pas été. Et essayer de comprendre leur profil immunologique pour nous permettre de concevoir un vaccin plus efficace.

Donc même si J&J arrête ses essais, d’autres poursuivent le travail ?

Nous travaillons ensemble. Il s’agit d’un réseau de scientifiques locaux et internationaux qui travaillent sur un vaccin, avec des partenaires. J&J est un fabricant, qui fabrique le vaccin et en détient les droits de propriété. Mais il travaille avec des scientifiques du monde entier. C’est un travail d’équipe entre scientifiques, fabricants et donateurs privés et publics.

Donc la recherche d’un vaccin contre le VIH ne s’arrête pas ?

Non, absolument pas, et elle ne doit pas s’arrêter. Nous continuons d’enregistrer un taux d’infection élevé chez les femmes sur le continent africain. Il est aussi élevé que celui dans les années 90. Ce qui veut dire que nous ne pouvons pas baisser les bras et laisser tomber ces femmes. Depuis le début de l’épidémie, nous n’avons pas réussi à réduire les risques encourus par les femmes. Ce taux que nous enregistrons aujourd’hui en 2021 montre que nous ne faisons pas assez pour les aider.

Comment se fait-il qu’il soit plus difficile de trouver un vaccin contre le VIH que contre le Covid, pour lequel un vaccin a été mis sur pied en un temps record ?

Tout d’abord, de nombreuses personnes se remettent du coronavirus et donc vous pouvez étudier leur système immunitaire. Alors que personne n’a jamais guéri naturellement du VIH/sida. Et donc nous n’avons pas de bon modèle humain que nous pouvons étudier. Nous n’avons pas non plus de bon modèle animal qui pourrait nous aider à progresser dans la recherche.

Surtout, le virus du VIH se multiplie et se transforme très rapidement, beaucoup plus vite que le coronavirus. Le virus du VIH change quasiment toutes les heures dans le corps humain. Et possède la capacité de se camoufler en altérant sa structure génétique. Donc il est très difficile de trouver un vaccin contre le VIH, beaucoup plus difficile que pour n’importe quel autre virus.

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