Mohamed Diawara du Tribunal de première instance de Kaloum a lancé une invite à ses collègues à travers sa page Facebook. Comme à l’accoutumé, il n’a pas cherché les gants pour dire ce qu’il pense. Lisez !
L’acte juridique suprême de l’Etat qui autorise les acteurs des pouvoirs exécutif et législatif à accomplir respectivement leurs tâches avec autorité et en toute indépendance, c’est le même acte qui autorise les magistrats à exercer les leurs avec autorité et en toute indépendance. Ce faisant, je trouve inconcevable, inadmissible et inacceptable qu’un magistrat se laisse influencer par quiconque dans la gestion d’une procédure judiciaire.
Nous tirons notre légitimité de la constitution qui l’a voulue indépendante et impartiale, principes qui s’imposent aux pouvoirs politiques.
L’Etat a l’obligation, je dis bien l’obligation, à ce que nous puissions nous acquitter de nos fonctions professionnelles en toute liberté, sans crainte, sans ingérence, sans faire l’objet d’intimidation, de harcèlement, d’aucune sorte et sans devoir assumer, de quelque façon que ce soit, une responsabilité civile, pénale ou autre sauf les cas de fautes professionnelle ou disciplinaire.
Je profite de l’occasion pour convier tous les magistrats, où qu’ils soient, principalement ceux du siège, à se débarrasser de tout complexe à l’égard des politiques, à s’armer davantage du courage dans la gestion des procédures judiciaires et ce, quelque soit le prix à payer.
Il revient indubitablement à chacun de nous la responsabilité de faire valoir, au besoin, de revendiquer constamment le respect du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs, ne serait-ce que par des décisions courageuses, suffisamment motivées et ce, dénuées de tout intérêt particulier.
Qu’il me soit permis de rappeler qu’un État ne peut se développer sans le concours précieux de ses cours et tribunaux. C’est pourquoi d’ailleurs, je ne cesse de rappeler à mes collègues étrangers que l’avenir des pays en développement se trouve incontestablement dans les mains des magistrats pour l’une des raisons que seuls ceux-ci pourront mettre fin aux maux qui assaillent les nations qui peinent à se développer, et plus précisément, ceux de l’Afrique.
Une autre inquiétude toujours à l’ordre du jour, n’est-il pas opportun d’opérationnaliser la nouvelle Cour africaine dès lors que cette Cour serait identique à celle de la Cour pénale internationale ? Pourquoi n’est-elle pas encore opérationnelle ? Or, elle serait chargée de juger les personnes ayant commis des crimes internationaux majeurs commis sur le sol africain, comme le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité auxquels s’ajouteraient d’ailleurs la piraterie, le terrorisme, les activités mercenaires, la corruption, le blanchiment d’argent, le trafic des personnes, le trafic de drogue et l’exploitation illégale des ressources naturelles.
Cette nouvelle Cour ne permettra-t-elle pas à l’Afrique d’amenuiser pour ne pas dire de mettre fin aux ingérences étrangères dans la gestion de ses propres affaires ? Et ce, en vue de la sortir de l’humiliation et de l’extrême complexe d’infériorité face aux sociétés qui s’érigent en donneurs de leçons en toutes matières et en toutes circonstances.
Aucune société, quelle que soit sa grandeur ou sa richesse, ne peut être confiante et fière d’elle-même, en l’absence d’institutions fortes et autonomes, capables de gérer ses propres affaires.
A méditer.
Mohamed Diawara