Tierno Monenembo son nom civil est Thierno Saidou Diallo est un ecrivain guineen francophone laureat du prix Renaudot 2008 et il obtient le Grand prix de la francophonie en 2017, Afrique, auteur, Belgique, Bruxelles, ecrivain, francophone, Guinee, litterature, livre?24/02/2018?(c)Robert KLUBA/REA

Rien de plus simple que de se proclamer roi en Guinée ! Il suffit juste de le vouloir et de se munir de bagout. Qu’ils s’appellent Sékou Touré, Lansana Conté, Dadis Camara, Sékouba Konaté, Alpha Condé ou Mamadi Doumbouya, les démolisseurs de ce pays n’ont rien d’exceptionnel ni par l’inné, ni par l’acquis.

Pour paraphraser Tocqueville, ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. S’ils sont arrivés si facilement au pouvoir, s’ils ont dit et fait toutes les conneries que l’on sait, c’est parce qu’ils n’ont rencontré aucun obstacle, c’est par ce qu’ils n’ont croisé personne sur leur chemin. Forcément quelqu’un qui arrive dans ces conditions-là au pouvoir sait qu’il peut tout se permettre.

C’est triste à dire, mais aucune de nos élites n’a joué le rôle qu’on attendait d’elle. La démagogie, l’opportunisme et la lâcheté collective sont des tares qui ruinent définitivement un pays. Des tares pour lesquelles la Guinée est un terrain particulièrement fertile, hélas ! Fabriquer des tyrans, c’est ce que nous savons faire le mieux.

Que voulez-vous, nos militaires n’ont aucun sens du courage ! Nos prêtres et nos marabouts craignent le mangué, jamais le bon dieu. Quant à cette vermine d’intelligentsia guinéenne, elle n’a aucune autre ambition que celle d’assurer sa place de subalterne et sa ration de moineau.

Tout cela fait que notre malheureuse histoire tient plus du projet que de l’accident. Inutile d’accuser les autres, nous sommes responsables de nos propres malheurs. Et le pire, c’est que nous sommes si loin dans le renoncement que plus personne ne songe à tirer la sonnette d’alarme. Pour nous tous, il est normal que les despotes succèdent aux despotes de la même manière que les années succèdent aux années. Nous voilà sous le règne de Sa Majesté Doumbouya 1er, cet homme venu de nulle part et qui se comporte comme un monarque de droit divin alors qu’il n’est qu’un putschiste, tout au plus chef de la Transition.

Comment appeler un chef de la transition qui se mêle de gérer des questions de fond comme le baptême des aéroports ou la récupération des biens de l’Etat ? Comment appeler République, un système où le chef de l’Exécutif nomme le chef du Législatif, et comme il se doit, un homme de sa tribu ? Peut-on parler de démocratie et même de transition quand les lois ne sont que des décrets déguisés ? Ni les membres du CNRD ni ceux de la Commission Constituante ne sont connus à ce jour. Rien d’étonnant, nous sommes en Guinée, ce pays sans norme où plus rien ne choque.

Mais Mamadi Doumbouya ne se suffit pas d’user et d’abuser de son pouvoir, il faut aussi qu’il s’en vante. Depuis quelques semaines, des panneaux publicitaires (montés aux frais de l’Etat bien sûr !) mentionnent avec force éloges, ses gigantesques travaux : un pupitre rénové à la RTG, un fossé creusé à Bambéto, une façade repeinte à Donka etc. Et comme notre roi est aussi magnanime qu’il est bâtisseur de cathédrales, son gouvernement a fait beaucoup de bruit autour de la jolie villa qu’il vient d’octroyer à sa fille adoptive, une certaine Safiatou Diallo (il l’a payée de sa poche, bien évidemment) !

Puisqu’il en est ainsi, que l’on me permette d’adresser une doléance à notre monarque bien-aimé: « Sire, ma fille adoptive, Thérèse Tolno, est une déguerpie de la cité de Kakimbo. Elle n’a plus pour dormir qu’un bout de carton sur un terrain vague de Kobaya. N’auriez-vous pas une petite villa pour elle ? »

Tierno Monénembo