Aux études en Italie, le père Albert Pakata Camara est un clerc de l’église catholique de Guinée. Il vient de mettre à la place publique ses réflexions sur comment l’homme est devenu esclave du temps. En dépit de tout, le religieux a terminé avec quelques propositions, afin de pouvoir mener l’aventure terrestre sereinement.
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Pouvons-nous vivre sereinement dans une société de l’accélération?
Nous vivons dans une société de l’accélération, une société marquée par la dictature de la vitesse, la frénésie, l’instantanéité, la compression du temps et de l’espace. Dans cette société, très souvent, tout moment libre accordé à nous-mêmes, à notre famille et à Dieu est comme l’antichambre de la mort. Tout se passe comme si s’arrêter un
instant était synonyme de mourir tout de suite. Nous sommes constamment stressés par le fait que nous n’arrivons pas à remplir tous nos engagements, car le temps qui nous est imparti est très limité.
Très souvent, et c’est souvent le cas, pour nous rattraper, nous nous couchons tardivement et nous nous levons très tôt. Nous sortons très tôt pour rentrer tardivement. Nous sommes toujours absents à la maison et même quand nous y sommes physiquement, notre esprit, notre cœur et nos pensées sont ailleurs. Ce mode infernal de vie engendre des sentiments de stress, de tristesse, de tension, de dépression, de suspicion, d’agressivité, de «guerre de chacun contre tous.»
Que devons-nous faire dans un tel contexte pour vivre sereinement?
❖ Lübbe Han nous conseille de revenir à la vie contemplative, car si on enlève à
la vie tout élément contemplatif, elle finit par souffrir d’hyperactivité qui étouffe. Aujourd’hui, nous avons besoin de nous affranchir de tout ce qui nous empêche de nous arrêter de temps en temps pour souffler et admirer les merveilles autour de nous. C’est dans la contemplation que nous nous rendrons compte que notre cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en Dieu.
Dans une vie contemplative, nous pouvons résister à la dictature de la vitesse et de l’accélération, à la logique frénétique du capitalisme. Nous passons du principe de la compétition « Plus vite, plus haut et plus fort » (citius, altius, fortius) à celui de faire toute chose « calmement, sérieusement, profondément et avec douceur » (lentius, profundius, suavius).
❖ Dans la société de l’accélération, il est aussi important de nous concentrer très
souvent sur une seule chose à la fois (unitasking). Le multitasking, faire
plusieurs choses à la fois, même s’il est pratiqué par beaucoup, réduit notre
concentration, notre attention et la qualité de ce que nous faisons ou
produisons. Mieux vaut réussir une seule activité que rater mille choses dans
la journée. Chaque fois que nous devons faire une activité, engageons-nous
comme si cette dernière était la plus importante, la première et l’unique dans
notre vie.
❖ Enfin, dans la société de l’accélération, la pédagogie de la résonance du
philosophe et sociologue allemand Hartmut Rosa est vitale. Elle est cette
capacité à entrer en relation avec les hommes, la nature et le monde qui nous
entoure. Elle nous aide à trouver du temps pour nous-mêmes, pour notre
famille, pour nos amis et pour Dieu. Tel est, à mon humble avis, le secret pour
vivre sereinement dans notre société de l’accélération.
P. Albert Pakata CAMARA