Le premier mérite du Lieutenant-Colonel, c’est d’avoir offert à notre pays une sacrée aubaine : celle d’en finir définitivement avec la barbarie politique. Depuis notre Indépendance, nous n’avons produit que des prisons, des pendaisons publiques et des discours tribalistes. Il est temps de produire autre chose, de l’amour et de l’intelligence par exemple. C’est la meilleure manière d’obtenir des fruits et des légumes, des routes carrossables et des industries.
Faisons de la Guinée, une société où il fait bon vivre, faisons-en, une fête !
Ceci dit, Alpha Condé et les membres de son gouvernement ne sont pas des enfants de chœur. Ces gens ont tué, ils ont volé, ils ont violé la Constitution, ils ont éhontément divisé les Guinéens. A priori, ils ont des casiers judiciaires longs comme le bras. Ces gens doivent être jugés par des tribunaux réguliers où ils pourront se défendre où, à la face du public, les coupables seront condamnés et les innocents, innocentés.
Encore une fois, il ne s’agira pas de les soumettre à leurs propres
méthodes. Il est temps d’effacer de nos mœurs, la justice façon Alpha
Condé, cette parodie de justice, ce dogue puant qui n’obéit qu’à la voix de son maître. Si le CNRD omet de traîner ces malfaiteurs devant les
tribunaux, alors il aura trahi l’espoir que le peuple unanime a placé en
lui, il aura renoncé à sa raison d’être, il aura infligé une offense impardonnable au malheureux peuple de Guinée. Ces gens ont malmené le pays, ils doivent répondre de leurs paroles et de leurs actes. Rien ni personne ne peut l’empêcher.
Ces gens sont des prévenus au regard des nombreux crimes et délits dont ils se sont rendus coupables. Ces gens ont violé la loi. Ils doivent être traités comme tels. Cela me révolte d’entendre dire que le CNRD a demandé à Alpha Condé de signer sa démission. Quelle démission ? Légalement, cet homme n’est plus président de la République depuis octobre dernier. Son troisième mandat est une imposture. Sa personne ne personnifie plus l’Etat, sa signature ne signifie plus rien. Il n’a pas à démissionner : il est destitué sur ordre de l’armée et par la volonté du peuple, point-barre !
Cela me révulse d’entendre dire que l’ancien pensionnaire exige pour se nourrir des plats concoctés par son cuisinier personnel. C’est une injure pour ses anciens détenus dont on devine aisément le régime alimentaire auquel ils étaient soumis. C’est une provocation contre le peuple de
Guinée dont l’immense majorité ne dispose que d’un repas par jour, et mon dieu, quel repas !
Les traiter convenablement ne veut pas dire les chouchouter, se plier en quatre, satisfaire leurs désirs et leurs caprices. Le CNRD n’est pas à leur service. Qu’ils soient en cellule ou en résidence surveillée, ces gens sont des détenus, des citoyens privés pour l’instant de certains de leurs droits civiques et moraux. Il est normal que le CNRD leur impose un minimum de discipline, il est normal qu’il les soumette à un certain nombre de règles.
Ils ne sont plus ni président ni ministres. Ils ne sont plus rien, à plus
forte raison, enfants gâtés ou princes !
Parlons maintenant de l’étrange visite que ces zozos de la CEDEAO viennent d’effectuer chez nous, visite au cours de laquelle, ils ont demandé -ou plutôt exigé- la libération immédiatement de leur copain, j’allais dire leur acolyte, Alpha Condé. A en croire une jeune fonctionnaire du Ministère des Affaires Etrangères, cette libération serait en principe déjà acquise.
Au passage, on a même entendu cette charmante jeune femme affirmer haut et fort qu’Alpha Condé « reste le père de la nation, le père de tous les Guinéens », bref, le genre de discours débilisant qui n’a cours qu’en Afrique, particulièrement en Guinée. Si Alpha Condé est le père de tous les Guinéens, moi, il n’est pas le mien. Et puis non, Madame, les nations n’ont pas besoin de père, elles ont juste besoin d’institutions fortes. Celles justement que la Guinée n’a jamais connues.
Regardez l’Italie et la Belgique par exemple, ces pays qui peuvent vivre
des mois voire des années sans gouvernement tellement que les institutions sont solides ! Chez nous, en revanche, l’Etat est un individu : il s’écroule dès que s’écroule son chef. De toute façon, je vous assure Madame que si jamais la nation guinéenne avait besoin d’un père, elle choisirait une autre personne que Sékou Touré, Lansana Conté, Dadis Camara, Sékouba Konaté et Alpha Condé.
Mais laissons ces considérations futiles et intéressons-nous au
Lieutenant-Colonel Doumbouya, c’est celui-là qui compte en ce moment. Mon colonel, n’écoutez pas ces tartuffes de la Communauté Internationale !
N’écoutez que votre conscience, n’écoutez que les aspirations de votre peuple ! Si vous libérez Alpha Condé, si vous l’autorisez à s’exiler, alors vous aurez signé votre propre arrêt de mort.
Je m’explique : même destitué, Alpha Condé détient encore une grande capacité de nuisance. Il dispose de sommes colossales en devises fortes sur ses comptes à l’étranger. Surtout, ses amis sont nombreux et puissants en Afrique, en Chine, en Russie, en Turquie, aux Nations Unies, à l’Union Africaine, à la CEDEAO et ailleurs. A la moindre occasion, il lèvera une armée de mercenaires pour reprendre le pouvoir. Et dans ce cas, vous, vous en doutez bien, Colonel, vous et vos compagnons d’armes, vous finirez tous au bout d’une corde. Vous connaissez Alpha Condé mieux que tout le monde.
Vous savez combien il est rancunier et vindicatif.
Mais il n’y a pas que ça. Le peuple de Guinée ne vous pardonnera jamais de libérer cette bande de cyniques sans l’avoir jugée, auparavant. C’est une question d’éthique, c’est une question de souveraineté nationale. La Guinée n’est pas une colonie des Nations Unies voire de la CEDEAO ou de l’Union Africaine. C’est un pays libre et indépendant. Le peuple de Guinée est son seul et unique propriétaire.
C’est fort de café tout de même ! Notre désastreux propriétaire a tué des centaines de Guinéens, ces hypocrites de la Communauté Internationale n’a rien dit. Il a procédé à des arrestations massives d’innocents dont des femmes, des enfants, des vieillards, des handicapés, ils n’ont rien dit. Il a violé la Constitution pour s’octroyer un troisième mandat, ils n’ont rien dit. Ces gens se foutent de la gueule des Guinéens.
Qu’ils aillent au diable !
Tierno Monénembo