Ce n’est pas un hasard si Poutine veut donner le nom de Spoutnik au vaccin russe contre le corona. Le lancement de Spoutnik fut un moment de gloire et de grandeur pour l’Union Soviétique, qui damait ainsi le pion aux Américains en pleine guerre froide.
En lançant le Spoutnik, les Soviétiques remportaient une grande victoire dans la course pour la conquête de l’espace. Pour les Américains, ce fut un affront à laver, un défi qu’ils relèveront en étant les premiers à envoyer un homme sur la lune. Mais c’était l’Amérique de Kennedy, pas celle de Trump. Si les Américains, par sursaut d’orgueil comme du temps de Kennedy, relèvent le défi de Poutine, ce serait un grand bien pour l’humanité qui préfère la course au vaccin à la course nucléaire et aux armes de destruction massive.
Poutine, bien que dictateur, est très populaire en Russie, parce qu’il donne l’impression aux Russes de renouer avec la grandeur de Pierre 1er ou de Catherine II, surtout après le choc de la dislocation de l’Union soviétique et le chaos des années Eltsine. Poutine ressuscite l’ère spoutnik pour dire aux Russes qu’ils occupent la première place devant l’éternel rival, les Usa, qu’ils bousculent au Moyen Orient en intervenant en Syrie face aux hésitations de Obama, et narguent les Européens en annexant la Crimée et en sortant le bâton militaire en Ukraine et en Géorgie, et la carotte en Tchétchénie et en Biélorussie. Ce vaccin russe n’est pas une bonne nouvelle pour Trump qui a des millions de cas et aucune solution.
En 2016, avec l’ingérence russe dans l’élection de Trump, l’Amérique se réveillait et découvrait qu’elle était sous tutelle russe parce que Poutine s’était donné les moyens de faire perdre Hillary Clinton. Aujourd’hui à quelques semaines de la présidentielle américaine, l’Amérique, cette Nation de pionniers et d’innovateurs, n’appréciera pas de se retrouver sous la tutelle sanitaire russe, car si le vaccin russe fonctionne, elle sera obligée d’en commander pour arrêter l’hécatombe du corona.
Le vaccin russe réduit les chances de réélection de Trump qui comptait sur un vaccin américain pour faire du «Make America great again». Le General De Gaulle, qui avait le sens aigu de l’histoire, avait très vite compris que l’Union soviétique était une parenthèse de la grande histoire de la Russie, en parlant toujours de la Russie à la place de l’Urss. Les faits lui ont donné raison.
La Russie est un grand pays, avec une grande histoire, de grands scientifiques et surtout une très grande littérature, avec l’immense Léon Tolstoï, l’incontournable Doctor Jivago de Boris Pasternak, ainsi que Pouchkine, Dostoïevski… J’ai toujours pensé que lire Léon Tolstoï était un rite d’initiation intellectuelle. C’est comme une sorte de circoncision. Au Sénégal, nous avons frôlé le blasphème intellectuel quand l’Education nationale a failli supprimer le russe et l’allemand des programmes d’enseignements, sous prétexte de donner plus de temps aux Sciences, alors que ces Nations ont produit des contingents de grands scientifiques et des Nobel de sciences. Heureusement que, face au lever de boucliers, la raison est rapidement revenue. L’ouragan Trump, dont la principale conséquence est la banalisation de la puissance américaine, me fait souvent penser à un autre grand penseur russe : Nicolaï Kondratieff et sa théorie des cycles économiques.
Rapporté à la géopolitique, Donald Trump ferme un cycle ouvert en 1945 à la fin de la seconde Guerre mondiale, qui a vu les Etats-Unis passer de 1ère puissance à puissance hégémonique, avant de dégénérer en une puissance relative avec la Chine et la Russie. La théorie de Kondratieff avait abouti à la supériorité du système capitaliste qui, «comme le phœnix, renaît toujours de ses cendres», contrairement au système rigide et dogmatique du communisme. Pareille conclusion, une telle vérité ne pouvait lui valoir que le peloton d’exécution sous Staline en 1938.
En tout cas, en 1957, le triomphe russe de Spoutnik a été à l’origine d’un sursaut d’orgueil américain qui avait permis de laver l’affront en envoyant le premier homme sur la lune. C’était une autre Amérique. Une autre période et surtout un autre président. Est-ce que l’Amérique renaîtra de ses cendres et trouvera des ressorts pour ouvrir un autre cycle ? La réponse en novembre 2020.
Yoro Dia Lequotidien