Pour la réussite de la transition en Guinée, toutes les forces Vives du pays sont sollicitées. C’est dans ce cadre que nous avons rencontré Elhadj Mansa Moussa Sidibé, ancien ministre et Président Directeur Général du Groupe B.C.E.P, avec lui, nous sommes revenus sur l’actualité du moment. Notamment : la gestion de l’Etat guinéen par les nouvelles autorités, la mise en place du Gouvernement en passant par les guéguerres entre les acteurs des faitières devant représentés le peuple au Conseil national de la transition, CNT. Lisez !
Plus de deux mois après le renversement du régime d’Alpha Condé, quelle est votre lecture de la gestion des nouvelles autorités ?
Elhadj Mansa Moussa Sidibé : Merci bien. Nous sommes même un peu plus de deux mois, comme je vous l’avais dit la dernière fois, j’étais très surpris, les Guinéens étaient très surpris. Mais depuis deux mois, le constat est que le colonel Mamadi Doumbouya et son équipe sont en train de mettre les Guinéens à l’aise dans le choix de ce qu’ils veulent faire pour la Guinée. Aujourd’hui, les Guinéens se retrouvent très satisfaits de la méthode, les discours et comportements qu’on inflige aux gens dans l’acceptation des fonctions qu’on leur donne.
Moi, je ne me rappelle pas souvent qu’il y ait eu en Guinée, pendant les 63 années, des cas où les membres du Gouvernement prêtent serment. Je l’ai vue une fois avec le général Lansana Conté, quand j’ai été nommé, j’avais prêté serment. Je suis en train de voir au niveau de cette équipe du CNRD, le passage devant les télévisions, la prestation de serment de l’ensemble de ceux-là qui ont été choisis y compris les membres du Gouvernement, des administrateurs territoriaux, des hauts cadres des différents services de la nation et le contenu de ces serments, franchement, ça met à l’aise la population qui suit. Parce qu’on demande à chaque homme de tenir compte de sa qualité d’homme, de respecter le pays pour lequel il va servir et de l’aimer, de le faire avec amour et sincérité. Ça, c’est excellent.
La mise en place des membres du Gouvernement a pris du temps. Quelles sont vos impressions ?
L’une des choses qui est la plus difficile dans notre existence, c’est le choix de la qualité que tu veux, imposer là où tu es, tu vis, le milieu dans lequel tu vis. Parce que ce n’est pas toujours facile de faire un choix, d’autant plus que nous sommes multiformes. Les hommes sont comme les doigts de la main. Oui, chacun a son comportement, son caractère, sa capacité. Alors choisir ce n’est pas facile.
Personnellement, j’ai lu dans l’expression de ce qui se fait, j’ai analysé, j’ai vu qu’ils veulent choisir des hommes capables. C’est difficile parce que les hommes sont de trois catégories : il y en a qui sont mauvais quel que soit leur nature, ils peuvent être, intellectuels, analphabètes. Il y a le second groupe constitué de bonnes personnes et humaines et le troisième groupe où on trouve des intellectuels qui sont honnêtes, sincères qui peuvent travailler pour la nation. Alors il faut faire la synthèse de tout ça pour faire un meilleur choix. Ils ont essayé de prendre tous les Guinéens. Vous verrez chaque fois qu’il avait pris un décret, les quatre régions naturelles se retrouvaient, cela est important. C’est une sorte d’entente, de prouver que tous les Guinéens sont de même. Mais dans ce triage, il choisit de la qualité. Parce que ça ne sert à rien de faire le triage si l’on ne choisit pas bien. Je n’ai pas encore rencontré un groupe qui dit qu’ils ont choisi quelqu’un de mauvais.
Certains qualifient d’autres de mauvais tout simplement parce que d’une manière ou d’une autre, ils ont soutenu le régime passé. Mais ce n’est pas des gens intellectuellement mauvais. Colonel Doumbouya n’a pas tenu compte de l’ethnie, non. Il a dit nous allons impliquer tous les Guinéens.
L’autre fait, c’est le fait de voir aussi les Guinéens de l’extérieur, ceci était nécessaire. Pourquoi, lorsque le Pr Alpha Condé est venu, notre condition était que parmi les 24 candidats c’est lui qui devait gagner. Pourquoi ? Parce que nous avons estimé qu’il a quitté à l’âge de 15 ans, il est parti là et il revient à l’âge de 74 ans pour être président, il a vécu là-bas, il a vu tout ce qui se passe là-bas : économie, démocratie… On a dit, lui, on va le prendre. C’était prévisible gagner ou pas gagner aux élections. On serait très coincé si un Siradio vivait ou un Bah Mamadou qui avait vécu à l’extérieur comme lui. Mais ceux-là n’étant pas, on a préféré prendre celui qui était-là. Donc, le choix d’Alpha c’était un peu ça. C’est ce qui a amené beaucoup de gens parce qu’on sait qu’il a vécu à l’extérieur, Il va nous apporter ce que nous voulons. J’ai même dit à beaucoup de candidats, que nous sommes nés et grandis ici en Guinée, nous n’avons pas pu apporter au peuple ce dont il a besoin. Nous estimons que ceux-là qui sont à l’extérieur, sont mieux placés pour nous apporter ce dont nous avons besoin. C’est la raison pour laquelle Alpha Condé a été accepté et élu. Aujourd’hui, si le CNRD, choisissait des Guinéens se trouvant à l’extérieur, ce n’est pas mauvais. N’oubliez pas que chaque année, je suis à Bruxelles ou à Paris ou même aux Etats Unis pour recenser des Guinéens qui vivent là, pour trouver de l’emploi en Guinée et servir leur peuple. Pourquoi servir leur peuple parce qu’ils ont acquis des expériences des autres peuples, parce qu’ils ont plus d’expérience que nous. Donc ils peuvent nous apporter leurs compétences. C’est ce que je fais chaque année. Mon fichier est rempli, de Guinéens de la Diaspora.
D’aucuns s’inquiètent déjà du manque de visibilité de la transition. Qu’en pensez-vous ?
Je ne suis pas pressé, je ne suis pas inquiet. Parce qu’ils suivent un processus. Je sais que ce sont des hommes, ça peut varier. Mais pour l’instant, je ne suis pas inquiet. Et d’ailleurs, si j’ai l’occasion de parler à ces hommes, je leur dirais attention, votre tâche est complexe, difficile, mais allez-y pas à pas. Le peuple de Guinée a trop souffert. 63 ans, on a souffert, il faut le reconnaitre. Nous sommes riches, mais nous n’avons pas été au niveau des richesses que nous possédons.
J’entends beaucoup de gens qui disent, on n’a pas encore les délais de la transition. Nous avons fait deux mois pour avoir un Gouvernement, c’était normal. Or, on ne se plaint pas le mal de ça, parce qu’il y a eu un choix et personne ne dira qu’il n’est pas concerné. Et les gens qui ont été choisis ont chacun une qualité, humaine et intellectuelle. C’est important dans le choix de l’homme pour une action. Maintenant, la durée de la transition déprendra les œuvres à faire pour que le Gouvernement décolle. L’objectif des militaires au pouvoir est de faire en sorte que le Gouvernement qui va être mis en place après la transition soit capable de conduire le pays et son peuple vers le bonheur et la prospérité.
Mais la communauté internationale presse les autorités actuelles ?
J’ai l’impression qu’on blague avec la CEDEAO. Je crois, ils n’ont pas encore rencontré des gens qui peuvent leur dire les quatre vérités.
Qu’à cela ne tienne, le président Doumbouya a adressé un courrier au président en exercice de la CEDEAO qu’il ne voudrait pas un médiateur pour la Guinée ?
Il a raison. La CEDEAO plus que n’importe qui devrait savoir que le président Alpha était en erreur. Mais qu’est-ce qu’ils ont fait pour dire au président Alpha qu’il était en erreur. Ils n’ont rien dit. Est-ce que quelqu’un a amené à la délégation de la CEDEAO les statuts de la CEDEAO, Est-ce que quelqu’un a brandi aux délégations de la CEDEAO les différentes Constitutions que nous avons eu depuis notre indépendance ? Est-ce que la CEDEAO a montré au professeur la toute dernière Constitution qui l’a amené au pouvoir ? est-ce qu’on leur a posé la question de savoir, qu’auriez-vous fait à la place des Guinéens ? Je crois qu’on les ménage un peu, ils n’ont pas eu la possibilité de rencontrer certain Guinéens, le président de la République le chef d’état il est en face des humilités, ce sont des non gouvernants qui peuvent rentrer dans la danse pour dire attention ! Foutez-nous le camp. Parce que, nous nous sommes conscients que nous sommes riches, nous sommes conscients que nous pouvons vivre sans cette CEDEAO. Nous sommes conscients que nous sommes les fondateurs de cette CEDEAO, moi qui vous parle j’ai assisté à l’élaboration de tous les textes de la CEDEAO à sa création, mais qu’est qu’ils ont à nous apprendre.
Le CNT qui est l’une des institutions clé, n’est toujours pas mis en place. Les acteurs sociopolitiques n’arrivent pas à s’entendre. A votre avis, que doit-on faire ?
Ce n’est pas une bonne affirmation, ils ont du mal à s’entendre. L’ancien système nous a mis dans une mauvaise position, si on n’avait pas eu tout ça, il n’aurait pas de mauvaise entente, vous verrez deux syndicats du même nom en Guinée. Ça ne se fait pas. Vous verrez deux patronats du même nom en Guinée, même dans le milieu politique, il y a eu des débats, parce que le régime n’a pas joué le rôle qu’il devait jouer pour leur dire la vérité. Si c’était fait, on ne serait pas là. Rappelez-vous le général Lansana Conté avait dit deux partis politiques et sa définition était claire. Il avait dit qu’il ne voudrait pas beaucoup de partis, parce que si l’on va au-delà de 3, voilà ce qui risque d’arriver : la Basse Guinée un parti, le fouta un parti ; la forêt un parti ou alors les malinkés un parti, les peulhs un parti. Il a dit évitons ça mettons en place deux partis. C’était une très bonne analyse.
On va dire, que Conté était en avance ?
Il était en avance, et c’était ça, la réalité, si on avait fait ça, on n’aurait pas eu tous ces problèmes.
Manifestement, ils ont du mal à se choisir ?
Ils seront obligés de respecter les principes de la charte. Nous avons été reçus par les cadres du département de l’administration du territoire, l’expression est claire et nette. Il n’y a pas de candidature, le chef de l’Etat fait confiance aux Guinéens, il appartient à ces derniers de se retrouver et de faire les choix tenant compte de la charte de la transition.
On doit choisir ceux qui connaissent le droit, qui peuvent défendre la nation, qui ont l’habitude de défendre certaines choses. Que ce soit du parti A ou B, notre vœu qu’il soit compétent pour l’ensemble des Guinéens.
L’essentiel qu’il soit capable d’exprimer le contenu d’un texte de droit, capable de dire ce que c’est la loi fondamentale. On dit les faitières des organisations de la société civile, on ne peut pas les mettre tous de dedans, ils doivent choisir 7, cadres compétents.
Nous nous connaissons en Guinée, quand même. Chacun sait qui est qui. Je vais vous dire, la Guinée n’aura jamais, un Conseil économique et social comme celui qu’elle a eu au cours du pouvoir du Général Lansana CONTE grâce au choix qui a été fait.
A l’époque, le président Conté et le Premier Ministre avaient constituer le Conseil économique et social, sur la base d’un bon choix des Responsables de l’époque. Dans la composition du Conseil national de la transition, CNT, il faut mettre l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Ce n’est pas parce que celui-là à 80 ans, cet autre à 25 ans qu’il faut le mettre, non, nous avons un besoin, c’est le besoin de rédiger notre Constitution, c’est le besoin de créer le redémarrage réel de notre Etat pour un développement économique radieux. Quand nous voulons faire ça, choisissons les hommes qu’il faut. Cette (constitution) qui a mis Alpha au pouvoir a été rédigée par 159 personnes, pas l’Assemblée, ni le peuple. Aujourd’hui le CNRD s’est arrêté à 81 membres, c’est excellent. Choisissons 81 personnes en Guinée par catégorie professionnelle, désignons ce qu’il faut pour faire le travail, c’est aussi simple. En Guinée chacun veut, voilà la difficulté.
Le CNRD se fixe pour objectif de refonder l’Etat, mais aussi de refaire la manière de faire du Guinéen. Vos impressions ?
Je prie le Tout puissant qu’il leur accorde cette facilité. De tout temps, moi j’ai cru que le Guinéen n’a que peur, le Guinéen si la loi est appliquée, si la voie est indiquée, le Guinéen se conformera et ça marchera bien. C’est ce qui nous a manqué, chacun faisait ce qu’il veut, quand il veut là où il veut. J’ai dit personne n’a l’autorité même la permission du Tout puissant Allah qui nous a créé pour faire ce qu’il veut, quand il veut, comme il veut là où il veut. Ça c’est une donnée essentielle de celui qui nous a créé, si nous ne vivons pas dans ce système-là nous nous compliquons la vie. Les blancs ne sont pas plus disciplinés que nous, ils ne sont pas plus intellectuels que nous, mais ils respectent les principes et si tu ne respectes pas les principes qui que tu sois, tu seras tapé, mais c’est ça le principe, lorsque nous seront dans ce processus, mon cher la Guinée ira rapidement et facilement très loin. Parce que nous sommes riches, il suffit simplement que nous sachions respecter les uns des autres que nous puissions savoir comment nous comporter, savoir que nous n’avons pas l’autorité de faire ce que nous voulons, ça marche.
La représentation du CNT, qu’est-ce que vous proposez ?
Si les Guinéens m’écoutaient, on n’allait pas dépasser l’effectif de 81 décidé par le CNRD, c’est sur la base d’une certaine analyse, tout le monde est là.
Sur les 15, il y a plus de 100 partis politiques ?
Peu importe, Moi je propose qu’il y ait 15 partis. Premièrement, si jamais on m’écoutait, dans des situations comme de ce genre c’est la représentativité qu’on mettrait en place. Chaque structure devrait être représentative. Je choisis les structures qui sont représentatives. Je ne vais pas prendre un leader politique qui a son bureau dans la voiture.
Mais ça, eux, ils ne peuvent pas le décider mais les partis politiques qui sont réunis doivent faire attention. Laissons les partis qui se sont déjà imposés, qui ont une ouverture sur l’ensemble du territoire national à choisir leurs représentants.
Interview réalisée par : Mouctar Kalan Diallo & Richard Tamoné