Beaucoup d’observateurs s’interrogent sur les causes de l’effritement des partis au pouvoir en Afrique, dès qu’il y a une alternance au sommet de l’Etat. Chaque analyste met un accent particulier sur l’aspect qui lui semble le mieux soutenir sa réflexion.
Quel que soit l’angle d’observation, les observateurs mettent en avant, essentiellement, des facteurs endogènes qui reflètent le fonctionnement interne du parti, et des facteurs exogènes qui dépendent de phénomènes extérieurs, souvent imprévisibles pendant l’exercice du pouvoir.
Considéré comme une propriété privée par son chef (président ou secrétaire général), qui est également son fondateur dans la plupart des cas, le parti est dirigé selon sa seule volonté. Il contrôle son fonctionnement comme bon lui semble. Il est le bailleur principal (voire unique) et désigne d’office les dirigeants de son parti, souvent en dehors de toute règle démocratique. En général c’est le degré de soumission, les marques d’allégeance des uns et des autres qui déterminent ses choix. Son emprise sur les instances du parti ne laisse aucune chance de survie à ce dernier après lui. « Après moi, le déluge » !
Les « éternels présidents » de ces partis organisent des conventions internes juste par principe, pour se conformer à la loi et non pour susciter une véritable compétition démocratique en leur sein, à l’effet de meubler les différentes instances par des responsables compétents et engagés.
Une fois au pouvoir, le soutien de l’appareil d’Etat rend incontrôlable le fonctionnement du parti par les seuls militants de base. Tous les hauts fonctionnaires (ou presque) troquent, chaque fois que l’occasion se présente, leurs costumes d’administrateurs neutres et dévoués contre ceux de militants zélés du parti au pouvoir, prêts à en découdre avec l’opposition.
Dans ce train à sens unique, un simple vacillement du pouvoir peut entrainer la perte de celui-ci et in fine la disparition du parti.
En Afrique l’on se rappelle encore le triste sort de certains partis États que l’on croyait inébranlables, mais dont on se souvient à peine aujourd’hui des noms.
Quelques exemples.
Le 24 novembre 1965, c’est le début d’un régime autocratique dirigé d’une main de fer par Mobutu Sese Seko, avec un parti unique dénommé Mouvement Populaire de la Révolution (MPR). Ayant pour président bien entendu le maréchal sus nommé. Ce parti ne tolérait aucune voix discordante, aucune opinion contraire à la vision de ‘’Papa Maréchal’’. Les exécutions par pendaison (après avoir eu les yeux crevés) au stade Kamanyola (actuel stade des Martyrs) de quatre acteurs politiques le 1er juin 1966, sont de tragiques morceaux choisis dans l’anthologie des crimes d’Etat qui jalonnent l’histoire de l’Afrique postcoloniale. Leurs corps furent trainés dans les rues avant de finir dans le fleuve Congo (rebaptisé « Zaïre »). Comme si c‘était hier ! crie-t-on encore en RDC.
Après 32 ans de règne sans partage, alors que les rebelles de Laurent Désiré KABILA faisaient une entrée triomphale à Kinshasa, le dictateur Mobutu n’eut le salut qu’en prenant la fuite le 17 mai 1997. D’abord vers Lomé, la capitale togolaise, avant un exil au Maroc. Laissant derrière lui des FAZ (Forces armées zaïroises) en débandade et des partisans livrés à la vindicte populaire. Mobutu y meurt le 7 septembre 1997 à l’âge de 66 ans. Rongé par un cancer, il pesait à peine quarante kilos, écrivait alors le magazine Jeune Afrique.
A la suite de sa mort, le MPR a sombré. Comme on s’y attendait.
Au Burkina Faso, le Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP) fut créé le 5 février 1996 pour soutenir exclusivement Blaise Compaoré, devenu le seul maître à bord après l’assassinat de Thomas SANKARA le jeudi 15 octobre 1987. Il était là pièce maîtresse du parti. Ceux qui ne voulaient pas d’une présidence à vie furent écartés ou contraints à l’exil. L’approbation par ses députés d’une éventuelle modification de la constitution pour lui permettre de continuer à gérer le pays fut la goutte d’eau qui déborda le vase.
Il dut fuir Ouagadougou face à l’ampleur de l’insurrection populaire, grâce à une « escorte de l’armée française » le 31 octobre 2014.
Comme d’autres, Blaise laissa derrière lui un parti affaibli, sans pouvoir et sans militants (ou très peu).
Vingt-sept ans après son accession au pouvoir. Il ne reste de ce parti que quelques militants et des députés dont le nombre ne permet même pas de former un groupe parlementaire. L’excès dans tous les domaines est nuisible, dit un adage.
En Guinée, au lendemain du rappel à Dieu du << Guide Suprême >> le 26 mars 1984, les clivages internes qui couvaient au sein du parti au pouvoir éclatèrent au grand jour. Chacun des clans ayant la prétention d’hériter du fauteuil laissé vacant après le rappel à Dieu du Grand Syli. Les uns voulaient une succession normale avec le dauphin constitutionnel qui était le Premier ministre Lansana BEAVOGUI. D’autres le jugeaient incapable ou indigne de succéder au président défunt. Certains de ses détracteurs, membres ou alliés de la famille biologique du « Responsable suprême de la Révolution », estimaient par exemple que le ministre Mamadi Keita, frère par alliance de la première dame, était mieux indiqué. Enfin, un troisième camp, parrainé semble-t-il par le président ivoirien H. BOIGNY, misait plutôt sur un autre ministre guinéen, l’ingénieur Moussa Diakite.
Ce sombre tableau de guéguerres sur fond de positionnement ethnique ou familial entre « Pdgiste » servi de prétexte à l’armée pour perpétrer le coup d’état du 3/4/ 1984. Une purge sans répit fut organisée dans tout le pays. Des cadres du parti et/ou ministres furent fusillés sans procès. Les nouveaux maîtres du pays axèrent l’essentiel de leur programme au démantèlement de tous les acquis du PDG qu’on jeta avec les méfaits (le bébé et l’eau du bain). Les tomes de Sekou Touré et des archives de la nation furent calcinés dans la banlieue de Conakry.
Là également, le PDG a du mal à survivre à son emblématique secrétaire général. Du parti-Etat il ne reste plus aujourd’hui qu’une formation politique que les observateurs rangent volontiers dans la catégorie des « petits partis ».
À Mamou naquit le PUP, alors présidé par Elhadj Boubacar Biro Diallo, un ancien cacique du PDG. En fait, le vrai patron était le président Conté, et le parti œuvrait pour la continuité d’un pouvoir qu’il exerçait depuis le 03/04/1984.
Contrairement au PDG, le président Lansana n’a jamais permis à son parti d’être véritablement au pouvoir. Il fut juste un parti du pouvoir qui n’était jamais consulté ni sur le choix des membres du gouvernement, ni celui les cadres civils et militaires ou les diplomates. Il fut cantonné dans le secteur de la propagande lors des élections. Au terme de son premier mandat obtenu le 19/12/1993, c’est Conté qui conduit encore la candidature du parti à l’élection du 18 Décembre 1998. Il présentait quelques signes de maladie aux yeux de tout le monde sauf ses partisans. Le PUP était le parti par défaut de tous les cadres de l’administration. Le pire arriva en 2003, lorsque le même président à la mobilité très réduite, fut désigné sous le slogan <<koudaï>>, c’est à dire « choisi pour l’éternité ». La situation globale du pays était indescriptible, tant la misère et la rivalité entre les clans autour du président malade étaient extrêmes. Au terme d’une longue maladie, il fut déclaré mort par le président de l’assemblée nationale, Aboubacar SOMPARE, dans la nuit du 22 décembre 2008.
Le vide constitutionnel du fait de l’illégitimité de l’assemblée nationale dont le mandat était largement dépassé, permis à une junte militaire de prendre les rênes du pouvoir. Dans tout le pays, le parti au pouvoir n’avait plus personne pour prendre son lourd héritage. Ceux qui ne pouvaient pas changer d’identité se déclarèrent être plutôt des « Conteiste » que des militants du PUP. Deux ans après, le PUP n’obtenait qu’à peine 1% au premier tour des élections présidentielles de Juin 2010. Hélas !
Quelques exemples des partis ayant survécu.
En revanche, l’on se doit de reconnaître que le sort de ces partis dans la période qui suit leur perte du pouvoir n’est pas toujours comme celui décrit plus haut. Il est loisible de constater que d’autres formations politiques ont survécu à leurs fondateurs ou icônes charismatiques.
Parmi celles-ci, l’ANC en Afrique du Sud occupe sans doute une place de choix. Son leader Nelson Mandela ayant eu la sagesse de songer à passer la main à d’autres compagnons de lutte. Depuis l’avènement de l’ANC au pouvoir, il reste toujours la première formation politique du pays en dépit de la disparition de certains leaders historiques dont Madiba.
Dans la même zone géographique, le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA) fait dans la constance malgré le décès d’Agostino NETO et le départ du pouvoir de son successeur Eduardo dos SANTOS. Ce dernier a passé le témoin à João LOURENçOLE le mardi 26 Septembre 2017. A l’occasion, il tiendra ces propos : « Il n’existe aucune activité humaine épargnée par les erreurs, j’assume celles que j’ai faites car on dit que l’on apprend de ses erreurs. Je vous laisse mon héritage pour que vous puissiez continuer à marcher sur des chemins sûrs ».
Il faut cependant préciser que l’ANC et le MPLA n’ont pas encore fait l’expérience de la perte du pouvoir. Si un jour cela se produisait, qu’adviendra-t-il ?
Sur la scène africaine, comme on le dirait de façon triviale, la balle est dans le camp de certains partis actuellement au pouvoir. Au nombre desquels, on pourrait citer le RPG Arc-en-ciel du président Alpha CONDE, le Rassemblement pour le Mali (RPM) d’Ibrahim Boubacar Keita, l’Alliance Pour la République (APR) de Macky SALL ou encore le Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) présidé par Alassane Ouattara.
Que sera leur sort ? L’histoire nous édifiera.
Sékou SACKO
Président de l’ONG CITOYENS ACTIFS _ CITACTS
Sékou SACKO
Président de l’ONG CITOYENS ACTIFS _ CITACTS
Tel 622333436
E-mail : sekousacko0905@gmail.com
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