Après le coup d’État du 5 septembre mené par le colonel Mamadi Doumbouya, qui a renversé le président Alpha Condé, à la tête de la Guinée pendant plus d’une décennie, les yeux des Guinéens et de la communauté internationale sont désormais tournés vers les nouvelles autorités du pays, pour une sortie de transition et le retour à l’ordre constitutionnel.
Malgré les condamnations et les sanctions infligées par la communauté internationale contre la prise du pouvoir par l’armée guinéenne, la population, dans son écrasante majorité, a apporté son soutien aux militaires putschistes. Et ce dès le début du coup d’État. Pour les Guinéens, le troisième mandat de trop du président Alpha Condé, qui a coûté la vie à des centaines de personnes, était aussi anticonstitutionnel.
« Nous ne sommes pas venus pour nous éterniser au pouvoir », affirmait dès sa prise du pouvoir, le colonel Mamadi Doumbouya, commandant du Groupement des forces spéciales de l’armée guinéenne, a assuré au micro de France 24. Malheureusement, la charte adoptée par la junte au pouvoir ne mentionne nullement la fin de la transition.
Trois mois après la chute brutale de l’ancien chef d’État et de son gouvernement, des Guinéens commencent à se demander quand prendra fin cette transition en Guinée. Pour l’heure, la junte n’a pas apporté le début d’une réponse à cette question épineuse qui commence à indisposer une partie de la population.
Dans une lettre adressée du 07 novembre aux autorités de la transition, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a ordonné à la Guinée d’organiser les élections dans un délai de 6 mois. Et désigné un émissaire pour une sortie de crise, le diplomate ghanéen Mohamed Ibn Chambas. Au regard de la situation actuelle de la Guinée, ce délai est-il tenable ? Les militaires sont-ils prêts à rendre les rênes du pays à un gouvernement civil ? S’éternisera-t-il au pouvoir ?
La réponse du jeune colonel à la CEDEAO ne s’est pas fait attendre. « La nomination d’un envoyé spécial ne nous paraît ni opportun(e) ni urgent(e) dans la mesure où aucune crise interne de nature à compromettre le cours normal de la transition n’est observée », a écrit le colonel Mamadi Doumbouya, désormais président de la transition en Guinée, dans une lettre adressée à Akufo-Addo, président de la CEDEAO.
Dans une interview accordée à RFI et à France 24, mi-novembre, le président de la transition tente de rassurer les Guinéens: « ni moi , ni aucun membre du gouvernement de transition ne sera candidat aux futures élections » en Guinée, sans préciser la date des prochains rendez-vous électoraux. C’est pourquoi, nombre de Guinéens doutent de la bonne foi des promesses des militaires.
Interrogé sur la durée de la transition, Mamadi Doumbouyah, reste ambigu et évasif ‘’C’est au CNT [Conseil national de la transition, instance promise par la junte] de décider, mais nous devrons régler les problèmes guinéens d’abord…’’ Doit-on en déduire que, s’il faut régler tous les problèmes des Guinéens et Guinéennes avant de quitter le pouvoir, la fin de la transition n’est pas pour demain ?
Dans une sortie un peu inattendue, l’Alliance nationale pour l’alternance démocratique (ANAD) dirigée par le président de l’UFDG, Cellou Dalein Diallo, proposes-en tout et pour tout quinze mois de transition. Qu’est-ce qui a prévalu à ce choix ? Va-t-on assister à un nouveau bras de fer entre la junte et l’ANAD ?
Pour l’heure, la société civile guinéenne reste silencieuse et désemparée sur la question de la fin de la transition. Qu’est-ce qui explique ce silence ?
Comment l’ensemble des activités prévues pendant cette transition devraient-elles se dérouler ? Quand on sait que la mise en place du CNT est un véritable problème entre les entités concernées.
Le président Mamadi Doumbouya, fera-t-il les mêmes vaines promesses que le capitaine Moussa Dadis Camara, l’ancien président du conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) ? Aura-t-il la boulimie du pouvoir ? A quand à la fin de la période de grâce accordée par la population au chef de la junte au pouvoir ?
‘’Le pouvoir est à double tranchant, un jour il vous grandit l’autre il vous détruit’’, dit Monique Moreau, fonctionnaire. Doumbouya sortira-t-il grandi, à la Thomas Sankara, de la crise actuelle ?
L’avenir nous le dira!
Moussa Traoré, journaliste et analyste-politique