Ce jeudi 28 juillet, l’humanité vient de consommer l’intégralité des ressources que la planète peut reconstituer en un an. La planète vit ce « jour du dépassement », un « déficit écologique ». Et cette date avance inexorablement. Qu’est ce que le « jour du dépassement » ? Comment se calcule t-il ? Quelles sont les solutions possibles pour sortir de ce déficit écologique ? Réponses avec Laetitia Mailhes porte-parole de Global Footprint Network en France et Pierre Cannet, Directeur de plaidoyer chez WWF France.
Qu’est-ce que « le jour du dépassement » ?
en prélèvant davantage de poissons que ce que les écosystèmes marins sont capables de régénérer. Nous déforestons aussi plus vite que nous plantons d’arbres. Nous érodons davantage de sols arables que nous n’en développons« , illustre Laetitia Mailhes.
Comment calcule t’on « le jour du dépassement » ?
Pour calculer le « jour du dépassement » il faut effectuer un ratio entre deux données, « la biocapacité » d’une part et « l’empreinte écologique » d’autre part. Calculer le « jour du dépassement » implique donc de comprendre le sens de ces données.
« La « Biocapacité » désigne la capacité des espaces biologiquement productifs existants à produire les ressources que nous utilisons« , explique Laetitia Mailhes. Il s’agit donc des espaces naturelles mobilisables pour produire des ressources nécessaires à l’assouvissement des besoins humains (denrées alimentaires, textiles, énergie….). Au sein des organisations internationales, les ressources de la « biocapacité » se calculent en « hectares globaux« . Actuellement la « biocapacité » de la terre est évaluée à 12.1 milliard d’hectares globaux selon l’ONG Global Footprint Network.
Pour calculer le « jour du dépassement » Global Footprint Network commence par calculer le nombre de « jours durables » dans une année. Les « jours durables » correspondent au nombre de jours au cours desquels l’humanité consomme l’intégralité des ressources régénérables en une année.
Puis l’ONG soustrait le nombre de « jours durables » au nombre de jours dans une année pour déterminer le nombre de jour « à crédit« . Durant les « jours à crédit » l’humanité consomme des ressources que la planète ne peut reproduire.
En 2022, il faut 209 jours pour épuiser les ressources renouvelées dans l’année. Les 156 jours avant le 31 décembre sont donc « à crédit« . Global Footprint Network soustrait donc les 156 jours « à crédit » à partir du 31 décembre et obtient ainsi la date du 28 juillet 2022.
« Nos chiffres démontrent que nous avons basculé dans la « dette écologique » au début des années 1970. Depuis lors l’humanité épuise de plus en plus tôt les ressources biologiques de la terre. En 2022 la date intervient deux mois plus tôt qu’il y’a 20 ans« . C’est cette tendance générale qu’il convient de retenir selon la porte-parole.
Les principaux facteurs du « dépassement »
« Il y a aujourd’hui une responsabilité centrale de l’alimentation dans l’empreinte écologique » affirme ainsi Pierre Cannet. « 30 % de l’empreinte écologique totale est lié à l’alimentation » selon le spécialiste. Plus important encore selon le membre du WWF France, l’alimentation mobilise « 55% de la Biocapacité de la planète« . « Ce chiffre signifie que la moitié de la planète terre en terme de surface productive est utilisé pour nourrir l’humanité » insiste Pierre Cannet.
Ce système est considéré comme un « facteur majeur du dépassement » en raison des grandes quantités de ressources naturelles qu’il détruit. « 80% de la déforestation mondiale est dûe aux besoins agricoles. L’agriculture représente également 70% de l’utilisation d’eau douce et les systèmes alimentaires mondiaux rejettent 27% des Gaz à effet de serre (GES) » selon les données du rapport.
La première de ces transformations est « la modification des régimes alimentaires vers une réduction de consommation de protéines animales« . En effet la quantité de « Biocapacité » réservée à la production animale est beaucoup trop élevée selon les représentants de WWF France. Ces derniers mobilisent l’exemple des productions céréalières de l’Union européenne dont « au moins la moitié est utilisée pour l’alimentation animale« .
La réduction de céréales liée à la production animale permettrait de réduire le « déficit écologique »selon les chiffres apportés par Global Footprint Network. « Réduire la consommation mondiale de viande de 50 % et remplacer ces calories par un régime végétarien, permettrait de retarder de 17 jours la date du dépassement » selon les estimations de l’ONG.
Enfin les deux ONG préconisent une transformation de la production vers « l’agroécologie« . Le système alimentaire actuel implique un gaspillage massif. « Jusqu’à 40 % des aliments produits dans le monde ne sont jamais consommés » selon les chiffres du rapport. À l’inverse « la réduction du gaspillage alimentaire de 50% permettrait de retarder de 13 jours la date du dépassement » selon les deux organisations.
« L’avenir est très bien compris à ce jour. Le monde est modelé par le réchauffement climatique et la concurrence pour les ressources écologiques. Les solutions existent. Encore avons-nous besoin de la prise de conscience de chacun et de chacune dans la manière de se positionner vis-à-vis de ces enjeux, à commencer par les décideurs, résume Laetitia Mailhes.