ORAISON FUNEBRE MAMADOU ALIOU BARRY « MAITRE BARRY » (1943-2022)Cher Aliou, Ta famille, tes collègues et tous ceux qui t’ont aimé sont ici aujourd’hui, pour te rendre hommage. Nous sommes là pour te dire au revoir.
Né le 15 novembre 1943 à Conakry de Feu Mamadou Oury et de Mounima Sacko, Mamadou Barry est inscrit en 1952 à l’Ecole primaire de la mission catholique de Tombo où il obtient son (CEP – CAP) en 1958. Brillant élève qu’il fut et à l’instar des meilleurs à cette époque, après une formation au métier de l’enseignement, il accède au grade de moniteur puis d’Instituteur, affecté à Forécariah dans les écoles primaires de Tatagui, Koutoumania et Fanyé.


Coyah ensuite Manéah seront ses deuxième et troisième postes d’affectation.
C’est justement à Manéah, district situé à 46 km de Conakry, qu’il va s’initier à la pratique du saxophone grâce à Honoré Coppet.

En 1963, les Quinzaines artistiques nationales commencent à prendre corps, l’artiste-enseignant Mamadou Barry profite des vacances pour rejoindre Conakry et porter main forte à la troupe du quartier Sans-fil au sein de laquelle il est joueur de Djémbé et celle de la section du 3ème arrondissement où il est invité d’intégrer le ‘’Gbassikolo Jazz’’ orchestre dirigé par Pierre Lopis.

Impressionné par ses talents de saxophoniste, le Bureau Fédérale de Conakry I, décide de le recruter dans le Kaloum star. Agé de 24 ans, les rênes de l’orchestre fédéral lui seront confiées en 1967. Il met alors, sa jeunesse, sa fraicheur et tout son talent au service de l’orchestre de la presqu’ile où il est rejoint par des jeunes musiciens pétris de talents comme les guitaristes du Star Band du Collège Technique Mamadou Camara ‘’MC’’ son jeune frère Salia, Bossely Keita, le chanteur Sékou Dioubaté ‘’Tintin’’. Bien sûr que sous sa houlette plusieurs artistes musiciens vont grossir les rangs du Kaloum Star, M’Bady Soumah, Ibrahima Prince Bah, Sorel, Abdoulaye Swapith, Malick Mozeski, Campelo, Bob Tanou Cissé, Mohamed Kouyaté ‘’Lannaya’’, Sékou Verel Sylla pour ne citer que ceux-là.

Le Kaloum Star sous sa direction, acclamé en Guinée mille et une fois, invité et apprécié en Sierra Léone, Guinée Bissau, au Cap Vert, à Angoulême. Aussi, l’Ivoirien Doh Albert et le Camerounais Pierre Tchana entre autres vedettes de la musique n’ont eu aucun souci de l’accompagnement des musiciens de Maitre Barry.

 

Secrétaire chargé des Arts et de la Culture du Comité Régional de la JRDA de Conakry 1. Maitre Barry portera alors cette triple casquette (enseignant-musicien- responsable politique) jusqu’en 1984.
Musicien incontournable, il participe au compte de la République de Guinée à des grands rendez-vous culturels comme :
Le Festival Mondial des Arts Nègres ‘’ FESTAC 77’’ à Lagos du 15 janvier 1977 au 12 février 1977 avec le Boiro Band National ;

Le Festival Mondial de la Jeunesse et des Etudiants à Cuba en 1978 avec l’orchestre National Kèlètigui et ses Tambourinis ;
Aussi, la Direction technique de l’orchestre féminin de la Gendarmerie Nationale ‘’Les Amazones de Guinée’’ lui est confiée en 1982. Il encadre et accompagne avec dextérité le premier orchestre féminin d’Afrique dans plusieurs tournées Africaine, Européenne et Américaine jusqu’en 2003. Il convient de souligner ici qu’en plus des arrangements qu’il va apporter aux morceaux, il intervient avec son saxophone ténor, alto ou sa flute dans les enregistrements des albums musicaux comme : « Les Amazones au cœur de Paris », « Mah Sylla, le Rossignol de Guinée’’ et plus tard, « Wamato » sous les labels respectifs, ENIMAS et Syllart Production. Je cite en illustration, le solo de sax ténor de Maitre Barry dans ‘’Samba’’ merveilleusement chanté par Sona Diabaté, ses interventions à la flute dans ‘’Salaya’’ et son saxo soprano dans ‘’ Soungouroubaya’’ avec la voix haut perchée de M’Mah Sylla. C’était simplement fabuleux.
1984 : Il parfait sa formation en théorie musicale à Conakry avec les Nord-Coréens.

Professeur de musique, un arrêté du Ministère de l’Information et de la Culture en date du 21 mai 1998, nomme Maitre au rang de Chef d’orchestre National.
Aux titres d’autres participations et de distinctions Maitre Barry participe au Festival Mondial des Arts Nègres FESMAN de Dakar du 10 au 31 décembre 2010 toujours avec le Bembeya Jazz National.
Parmi les nombreuses distinctions honorifiques à lui, décernées, Je cite pour mémoire :
Le Diplôme du Mérite Culturel décerné par le Ministère des Arts et de la Culture en 2010
2019 : Il est fait Officier dans l’ordre National du Mérite
2021 : Prix Sékou Bembeya pour la Musique (13ème Edition du Festival Jazz & Co)
Outre ce parcours élogieux, Mamadou Barry sollicité plus que jamais a apporté sa touche de Maestro dans certains albums des artistes Guinéens et a piloté une multitude de Masters classes, résidences, ateliers de musique à travers la Guinée, l’Afrique et la France. Je ne saurais passer sous silence la mémorable soirée du Trentenaire du Festival de Jazz de Marciac où il a partagé la scène avec Manu Dibango.

En compagnie du Bembeya Jazz National il a effectué plusieurs tournées en Afrique, Europe et Amérique.
Maitre Barry, Chef d’orchestre, multi instrumentaliste jouant avec dextérité de la flute et de tous les saxophones (Soprano, Alto, Ténor), n’est pas venu à la musique par hasard. Il tient la pratique, de son défunt Père Mamadou Oury Barry, musicien flutiste, accordéoniste et batteur à partir de 1935 de l’Orchestre ‘’Paris Musical’’ ou ‘’ TSF’’ (Télégraphe Sans Fil).
Avec le sang de la musique qui circulait dans ses veines depuis le berceau, il sera séduit un soir de l’année 1959 par la prestance du Maestro feu Kèlètigui Traoré avec son orchestre qui se produisaient à la permanence de Conakry 2. Instituteur à cette époque à l’école primaire de Manéah, il décide de jouer au saxophone et prend des cours avec Honoré Coppet le très célèbre clarinettiste Martiniquais en visite à Conakry avec son ami batteur, Kerfala Sylla dit Jean Fanga. Après une année d’apprentissage Maitre Barry commence à se faire un nom avec son saxophone et deviendra à son tour un Maestro.
Après 1984, les choses changent et c’est le temps des vaches maigres pour les orchestres qui tendent vers la déclinaison. Le Maestro Barry porte un autre regard et opte pour la mise sur pied en 2002 de groupes musicaux qui s’appelleront respectivement, Gombo Jazz, African Groove et Afro Groove.

Fort de la variété musicale que propose son groupe, les sollicitations se bousculent chez Maitre Barry. Institutions nationales, internationales, tourneurs de spectacle, soit pour des cérémonies officielles ou festivals, ateliers, résidences et autres Masters class de musique ici et ailleurs, comme le Festival des Musiques Métisses d’Angoulême, Marrakech, le MASA d’Abidjan, Jazz à Marciac, Casablanca, Bordeaux, Poitier…

Fin connaisseur de la musique, il fut copté par par l’Union Africaine dans le jury pour le choix de son Hymne à Addis-Abeba.
De New Delhi avec African Groove, il trouvera le temps de me joindre au téléphone pour dire toute sa gratitude à Mamadi Baba Diané et JMJ pour avoir offert l’opportunité de séjourner en Inde durant deux semaines pour l’amitié de Monsieur Ravi Manikott un de ses fans parmi des milliers.

Maitre Barry est le Compositeur de la musique de la pièce de théâtre « La Résistante », produite avec des artistes Belges et Camerounais. Réalisée par le Service de Coopération et d’Action Culturelle (SCAC) de l’Ambassade de France en Guinée, cette pièce a été présentée 50 fois en Belgique.

Le Chef d’orchestre chevronné et musicien exceptionnel, a à son actif deux albums sous le label World Village ‘’Niyo’’ et ‘’Tankadi’’ sortis en 2009 et 2016, précédés de ceux concoctés avec le Kaloum Star l’orchestre de la presqu’ile chez les éditions Syliphone au cours des années 1970.

En solo le musicien était éblouissant. Lors des différents concets live livrés par des artistes et formations musicales de passage à Conakry comme, Orquesta Aragon, Jazzman de New Orléans, Devin Phillips, Laetitia N’ton, Boris Mange, Daniel Couriol . A propos permettez-moi de citer notre ami commun Daniel Couriol ancien Directeur du Centre Culturel Franco Guinéen ‘’Sory Kandia Kouyaté’’ : « Merci Jean Baptiste, j’ai bien sûr, comme tu le sais, retrouvé le chemin de la scène et accédé à la fraternité de l’African Groove comme pianiste et cela reste des moments merveilleux de partage. Parmi les musiciens qui sont venus au CCFG, le pianiste de jazz Boris Mange et son épouse flutiste Laetitia N’ton. Et puis je me souviens de ‘bœuf’’ avec le pianiste Jo Kaiat et le saxophoniste et flutiste Hervé Meschinet… » Et de poursuivre « Toutes nos condoléances de ma part et celle de Rabab El Akhawi à ta famille où tu séjournais…Toutes nos condoléances… ce n’est qu’un au-revoir… que Dieu te garde Jean Baptiste. Toute notre amitié et nos condoléances à toi, aux artistes Guinéens et au peuple Guinéen. Daniel et Rabab. » Fin de citation.

La grande capacité d’improvisation de Maitre Barry, lui a ouvert les portes de toutes les musiques et il l’a prouvé chaque fois que l’occasion s’est présentée.
Les mélomanes n’oublieront pas de sitôt ses belles notes de saxophones et de flute qu’il savait irradier ou distiller avec éloquence et élégance sur la plupart des scènes, podiums, bars, dancings, hôtels de la place. C’est à ce niveau que je revois une multitude d’instants magiques qu’il nous a fait vivre, au Jardin de Guinée, à la Paillote, La Fourchette Magique, Mille Pattes, L’Espace Culturel JMJ-Maguy son nid des nuits folles. Son dynamique Afro Groove a reçu avec une exquise courtoisie musicale, des artistes de tous les bords comme Mory Kanté, Ousmane Kouyaté, Mory Djely, Ibro Diabaté, Djely Sayon, Sékouba Kandia, Binta Laly, Sékouba Bambino, Abdoulaye Kôrôfé, Bâ Cissoko, Amadou & Mariam, Jean Abraham Comnos, Princess Stella Aicha Koné, Kerfalla Kanté, Kèmo Kouyaté, Manfila Kanté, Kani Dambakaté, Yéyé Kanté, Arthur, Ibrahima Béavogui, Falilou Sock et moi-même, la liste est longue.
Maitre Barry avec tes hommes (Rizo, Ringo, Malick, Belmondo, Pacheco, Mouctar, Noel, Tofan) Tabassy à vos côtés, Maestro tu as frappé fort et très fort les publics au point que nous ne t’oublierons jamais.

Hélas, le 26 juillet 2022 après dix jours de séjour chez ton fils Alias, tu nous joues une symphonie inachevée qui est certainement un requiem, une prière, un chant pour les morts.
Maestro, Maitre Barry, saurons-nous inspirés comme toi pour mettre en musique un de tes derniers post sur ta page en date du 17 juillet, je cite : « Je suis dans la famille de mon fils en France, très heureux de prendre une photo avec ma petite fille. Elle n’est pas belle cette vie ? » Alors là Maestro en deux phrase tu nous conduis de la joie à la tristesse. Ton épouse, tes 3 filles, tes 4 garçons, inconsolables, tes petits enfants, ta nombreuse famille sur laquelle veille notre frère Alpha Soumah, tes musiciens, les artistes Guinéens orphelins depuis l’annonce de ton passage de vie à trépas, le peuple te pleure mais implore la grâce Divine pour ton repos éternel au Paradis.
Je termine cet éloge funèbre par une citation de Jean d’Omerson : « Il y a quelque chose de plus fort que la mort. C’est la présence des absents, dans la mémoire des vivants… »

Repose en Paix, artiste du peuple, musicien de devoir.

Jean Baptiste Williams .
Conakry, le 3 aout 2022