L’un des concepteurs de l’intelligence artificielle, Geoffrey Hinton, quitte Google pour pouvoir s’exprimer librement sur le sujet.

Il s’appelle Geoffrey Hinton et vit à Toronto. Le New York Times le nomme le « parrain de l’intelligence artificielle », et ce chercheur de 75 ans a annoncé lundi qu’il quittait Google, où il travaillait depuis dix ans, pour pouvoir s’exprimer librement sur le sujet. Le New York Times et la BBC ont pu interviewer Geoffrey Hinton dernièrement, et la nouvelle de cette démission est reprise dans de nombreux quotidiens.

« Peu de personnes peuvent parler de l’intelligence artificielle avec autant d’autorité », nous dit l’Echo de Belgique. Britannique, émigré au Canada, ses travaux pionniers sur les réseaux neuronaux ont jeté les bases de la technologie qui est en plein essor aujourd’hui. Sa voix s’ajoute à celle de milliers d’experts, qui, fin mars, ont appelé à faire une pause dans le développement de l’intelligence artificielle, mais Hinton ne pouvait pas signer ses tribunes pour ne pas implicitement critiquer Google où il travaillait encore, explique l’Echo, qui poursuit ainsi : « Longtemps, Hinton a considéré Google comme un berger responsable de cette technologie, mais depuis que Microsoft a pris la tête de la course et commencé à intégrer l’IA dans ses produits et services, Google est soumis à une pression intense. Et le Britannique ne veut pas prendre part à une telle escalade ».

Comment savoir ce qui est vrai ?

Hinton sonnait l’alarme avant même de quitter Google, relève la chaîne de télévision américaine CNBC. En mars, à la question : « Y a-t-il des chances que l’IA anéantisse l’humanité ? » Il avait répondu : « Ce n’est pas inconcevable. Je ne peux pas en dire plus. » La BBC a pu interroger Geoffrey Hinton et voici ce qu’il dit au sujet des récents développements de l’IA : « Le problème, c’est que cela fonctionne tellement mieux que ce qu’on imaginait. Alors que faire pour réduire le risque qu’à long terme, des choses plus intelligentes que nous prennent le contrôle ». « Avant, je pensais qu’on en arriverait là dans 30 ou 50 ans, mais je ne crois plus ça du tout », a-t-il confié au New York Times.

Cade Metz, le journaliste qui l’a rencontré dans sa maison de Toronto, écrit : « Le parcours du Dr Hinton, de pionnier de l’intelligence artificielle à annonceur de l’Apocalypse, marque le point d’inflexion le plus important depuis des décennies pour ces technologies. Pour les leaders de cette industrie, les nouveaux systèmes d’Intelligence artificielle pourraient être équivalents aux navigateurs web du début des années 90. Mais la peur plane que ce soit à terme dangereux ».

Le Dr Hinton a d’ailleurs confié au New York Times regretter ce qui fut le travail de sa vie. « Je me console en me disant que si je ne l’avais pas fait, quelqu’un d’autres l’aurait fait ». Le quotidien américain retrace ensuite la carrière de ce professeur d’informatique, qui dans les années 1980 a préféré poursuivre ses recherches au Canada qu’aux États-Unis, car la plupart des recherches sur l’IA étaient financées par le ministère de la Défense américain.

La préoccupation immédiate de Geoffrey Hinton, c’est qu’Internet soit inondé de fausses photos, de fausses vidéos, de faux textes, qu’en moyenne, personne ne pourra plus savoir ce qui est vrai. Contrairement aux armes nucléaires, confie-t-il enfin, il n’y a aucun moyen de savoir si des entreprises ou des pays travaillent sur cette technologie en secret. Le meilleur espoir est que les meilleurs scientifiques du monde collaborent sur les moyens de contrôler la technologie.

Radiofrance.fr