Vendredi 3 mars 2023, le Syndicat national des travailleurs et travailleuses domestiques de Guinée (SYNTRAD) affilié à la Confédération nationale des travailleurs de Guinée ( CNTG) a initié une conférence débat à l’Université de Nongo Conakry. Etudiants , ONG partenaires et travailleurs domestiques ont pris part à la rencontre. Au cœur des débats, la Convention 189 de l’Organisation internationale de travail, OIT, mais aussi le plaidoyer pour la ratification de la Convention 190, et la traite des personnes en République de Guinée.
Dans son discours de circonstance, la Secrétaire générale du Syndicat national des travailleurs et travailleuses domestiques de Guinée, Madame Diallo Aïssatou Baldé de faire remarquer que la Convention 189 a fait déjà de larges diffusions lors de plusieurs séries d’activités réalisées par les Organisations syndicales. Elle a par ailleurs noté qu’en dépit de tout, elle reste encore de loin méconnue.« Les statistiques et les faits malheureux que nous vivons au quotidien, montrent une forte méconnaissance des principes de la Convention », a précisé la secrétaire générale du SYNTRAD.
« Quant à la Convention 190, elle est encore plus ignorée. Or, la violence et le harcèlement font partie des questions les plus sensibles en milieux de travail dans notre pays et qui se manifestent sous diverses formes allant des paroles, aux gestes ou actes touchant toutes les catégories de personnes, (employeurs comme employés). Elle est pratiquée quelquefois à huis-clos comme en public et ce, au mépris de toutes les considérations juridiques, sociales ou culturelles par des patrons qui usent et abusent de leur autorité face à des travailleurs et travailleuses sans défense », a-t-elle fait savoir.
Poursuivant, elle a laissé entendre que si ce problème persiste, que c’est surtout parce que les lois, bien que très favorables à la justice sociale, sont fréquemment ignorées voire piétinées. « L’impunité est érigée en règle de conduite des forts contre les faibles, c’est aussi à cause de l’ignorance par les uns et des autres de leurs droits, malgré plusieurs efforts. »
Voilà pourquoi, fait-elle remarquer que le SYNTRAD a fait de la connaissance et de l’application correcte des Conventions de l’OIT ainsi que de nos lois nationales son cheval de bataille de tous les jours.
Pour finir, l’activiste des Droits Humains de souligner que si ladite activité a pu avoir lieu, c’est grâce à l’appui financier de l’Union européenne à travers l’Expertise France, sous la coordination du Comité national de lutte contre la traite des personnes et pratiques assimilées.
Prenant la parole à son tour, le chargé de Projet ALTP, Expertise France, Oumar Diané d’indiquer que le SYNTRAD a trouvé juste en mobilisant pour cette conférence des étudiants et les travailleurs domestiques.
Avant de souligner qu’il arrive parfois que certaines personnes, malgré leurs bagages intellectuels se retrouvent dans une situation où elles sont obligées de pratiquer des activités domestiques. « Souvent ces personnes sont victimes de maltraitance, d’exploitation. Une manière de vous interpeler et de vous faire comprendre à travers cette conférence que vous pourrez être confrontés tôt ou tard à ce genre de situation, soit vous serrez ceux qui exploiteraient, ou ceux qui seraient exploités ».
Dans la lecture de plaidoyer des travailleurs et travailleuses, Mariaman Diouldé Baldé a fait savoir au représentant de l’Etat guinéen que la loi ne suffit pas pour endiguer le mal, mais qu’elle pourrait permettre de mieux sensibiliser et servir en milieu de travail pour que désormais la personne change radicalement le camp.
A cet effet, elle a plaidé que la Convention 190 de l’OIT concernant l’élimination de la violation et le harcèlement en milieu de travail soit ratifiée, en vue d’apporter un changement de mentalité pour promouvoir l’égalité du genre dans ce domaine.
Le Directeur national de l’Enfance au Ministère de la Promotion féminine et des personnes vulnérables, Akoye Guilavogui a de son côté souligné que son département ferra tout ce qui est de son pouvoir, afin que ladite convention soit ratifiée. « Le ministère de la Promotion féminine et des personnes vulnérables, se positionne auprès du ministère de la Fonction publique et du travail, dans un premier temps pour porter le plaidoyer au plus haut niveau et à qui de droit, pour que ces Conventions soient ratifiées par notre pays », a déclaré Akoye Guilavogui.
Il a ajouté que l’objectif de son ministère est de faire en sorte que les femmes et les filles soient protégées. « Nous devons veiller à tous les manquements qui peuvent s’observer dans le parcours du travail et partout où elles se retrouvent », a conclu le directeur national de l’Enfance.
Interrogée au sortir de ladite rencontre, l’étudiante en Tourisme et Hôtellerie de l’Université Nongo Conakry, Mariaman Bah de déclarer qu’elle a elle-même vécu des cas d’abus sur des travailleuses domestiques, sans pour autant pu intervenir. « Maintenant que j’ai été outillée, désormais en cas d’abus ou de violations sur une personne domestique. Oui, désormais, je saurais défendre la personne ou à défaut quel service de l’Etat faut-il se référer », a précisé l’étudiante.
A rappeler qu’en Guinée plus de 80 % des travailleurs domestiques sont des femmes, 16 % des enfants sont placés pour subvenir aux besoins de leurs familles, parmi lesquels on compterait 30 000 filles “domestiques”, selon l’UNICEF ; 38 % des “petites bonnes” sont âgées de 8 à 12 ans, âge du premier cycle de l’enseignement fondamental et 62 % des “petites bonnes” sont âgées de 13 à 15 ans. Et 99,3% des travailleuses domestiques perçoivent moins de 347 200 GNF et 97,2% des travailleuses domestiques ignorent l’existence et le rôle de la sécurité sociale, selon le dernier Rapport d’étude du Centre de Recherche et d’Action sur les Droits Économiques Sociaux et Culturels (CRADESC).
Théophile Michel Tamoné pour Billetdujour.com