En juillet 1985, à l’esplanade du Palais du Peuple, entre 19 et 20 heures (détail important), les populations de Kaloum qui s’étaient opposées au putsch de Diarra Traoré avaient réclamé à cor et à cri le courant. Le colonel Lansana Conté, qui n’aimait pas le chantage, avait lâché : « Le courant, il faut payer les factures, ce n’est pas de l’urine qu’on met dans les groupes ; qui de vous paie ses factures régulièrement ? » Un silence de cimetière et de culpabilité tomba sur la foule.

Tout le monde savait que les branchements clandestins étaient à ciel ouvert dans tout Conakry. Qu’en est-il actuellement, si elle ne s’est généralisée et gagné la banlieue d’une capitale tentaculaire. En plus de ce fait, il y a encore des malins qui sont branchés sur plusieurs lignes, si bien qu’ils ont le courant dans tous les cas, encore une autre fraude à ciel ouvert dont tout le monde semble s’accommoder avec l’impéritie générale du citoyen, qui s’est transformée en Guinéen incivique. Dans l’incivisme il n’y a aucune solidarité, aucune unité nationale. Le fossé s’est élargi de façon inquiétante, surtout pendant l’après Conté avec Dadis et Alpha Condé …

Voulant réparer cette ‘’gaffe-gouaille’’ monumentale, Conté en commet une autre de plus, qu’il passera les 24 ans de son règne à réparer : « Quand l’autre (sous-entendu Diarra Traoré) s’est tapé la poitrine pour dire qu’il est président, que je suis en exile, ses partisans ont chanté et dansé, vous avez dansé sur leurs maisons, Wo fatara ! » Et à l’intention de la Communauté internationale : « Les défenseurs des droits de l’homme qui veulent intervenir, c’est le moment. Demain il sera trop tard… ».

La question de courant, personne n’en a plus parlé jusqu’à la construction forcenée du barrage Garafiri avec des souscriptions au niveau de tous les fonctionnaires, mais Garafiri n’a pas tenu longtemps par études insuffisantes et erronées des techniciens…

Diminué par la maladie, politiquement affaibli par la corruption et la gabegie, tiraillé par les syndicats et la rue, le pays à bout de souffle allait à vau-l’eau jusqu’en 2006-2007. S’il n’y avait presque rien à se mettre sous la dent, les ministères fonctionnant sans budget, il y avait des « nèm-nèm » à EDG : le carburant.

Les spécialistes du vol de carburant d’EDG savaient la quantité de gas-oil ou de mazout nécessaire pour éclairer tout Conakry pendant 24 heures, ou une partie de Conakry dans un temps précis. Les prévaricateurs avaient morcelé Conakry en une multitude de secteurs avec des départs de courant qu’ils contrôlaient à leur guise.

Ainsi, les quartiers plus populeux et moins en vue, qui se résignent à la fatalité, pouvaient ne pas voir l’électricité en même temps que d’autres plus huppés, ils pouvaient connaître des coupures de plusieurs heures par jour, parfois des jours entiers, voire des mois. On connait un quartier qui avait subi les représailles de EDG pendant tous les 6 mois de grâce en électricité de Lansana Kouyaté, à son avènement en 2008, à cause justement de cette dénonciation. Ainsi, toute la quantité de carburant non consommée par privation des quartiers lésés était recyclée sur le compte de la nouvelle commande d’EDG.

Actuellement, les mêmes coupures intempestives et sélectives sont revenues de plus belle dans beaucoup de quartiers. Cela est-il sous contrôle ? On y pressent un vol à grande échelle.

Avant Kaléta, les populations de Conakry payaient cher pour le courant. Les petits groupes électrogènes qui fonctionnaient dans tous les quartiers de la capitale et qui polluaient ont fini par disparaître. Les petits réparateurs de ces groupes, les chargeurs de téléphones qui pullulaient dans tous les quartiers ont fini par disparaître. Les populations de Conakry ont trimé et sué pour l’électricité. Avec Kaléta, entre 2015 et 2016, les responsables de la facturation de EDG de Lambandji avaient décidé cavalièrement de majorer 5% sur toutes les factures au forfait. La discussion avait eu lieu devant un témoin qui était allé payer sa facture. Il y eut altercations à ce sujet entre certains qui craignaient à un soulèvement populaire. Quelques temps après, les populations avaient incendié du premier au cinquième étage tout l’immeuble d’EDG de Lambandji… Justice immanente ?

Avec la subvention-Covid, l’Etat a exonéré les factures pour soulager les populations, mais il y a une confusion totale par insuffisance de communication, les factures venaient avec des montants de deux-trois million de francs guinéens. Audacieux et aberrant, vu le revenu du Guinéen ! La plupart de consommateurs aussi ne savent pas lire sur une facture ; en plus, comment expliquer les variations à la hausse des indices de consommation au forfait d’un mois mal desservi à l’autre ? Des récriminations et des cris sont entendus dans devant les agences… Des jeunes d’un secteur du quartier Yattaya ont lapidé et interdit leur secteur aux distributeurs de factures.

Pour assainir EDG. Dans la prospective, il faudrait commencer à discipliner les consommateurs sur l’économie de l’énergie par l’installation des compteurs prépayés, qui sont non seulement une excellente matière pour l’éducation civique, mais qui mettent aussi radicalement fin à la fraude. Cette décision est difficile à prendre, il est vrai, mais pour déménager on ne demande pas l’avis des poussins.

Si chaque Guinéen doit payer le courant qu’il consomme pour charger la batterie de son téléphone comme il le fait pour les unités de ses appels et connexions internet, on ne verrait plus les ampoules allumées en plein soleil, on ne verrait plus les climatiseurs fonctionner sans nécessité… L’utilisation inconsidérée de l’électricité avec des appareils électro- ménagers énergivores, ainsi que les surfacturations, cause des remous sociaux, sont dans la facturation au forfait. Personne n’a vu cela dans les pays organisés qui prétendent à l’émergence économique. Personne ne tolérera l’incivisme dans un pays qui prétend à l’émergence. Pourquoi ce qui est actuellement une loi au Sénégal ne peut pas l’être en Guinée ?

Si cette transition se montre impuissante à l’installation des compteurs prépayés, ce ne serait pas la peine de continuer dans les autres domaines. L’incivisme qui est à l’origine de toutes les malversations connues en Guinée.

Cependant, le casse-tête réside dans la cherté du Kilowatt/heure, et surtout dans la vitesse de ces ‘’compteurs de course’’. En baissant le prix du kilowatt/heure juste à la portée raisonnable de la bourse du Guinéen lambda pour lui permettre de payer sa consommation sans ronchonner, comme il le fait volontairement avec son téléphone, il faut insister sur cet aspect, le manque à gagner pour l’Etat va être compensé par un début de l’éducation civique et la responsabilisation du citoyen à se soucier de la gestion du bien commun, cela n’a pas de prix, et cela limiterait le gaspillage, une des causes des incendies accidentels avec leurs corollaires, cela limiterait encore le coût de production de l’énergie ainsi que le coût dans la protection de l’environnement, cela limiterait les frais dans le traitement salarial du personnel et autres frais administratifs y afférents. Cette liste des avantages n’est pas exhaustive, comme on peut le voir…

Les économistes devraient trouver la solution consensuelle avec l’association des consommateurs, la société civile, et impliquer fortement les sages, les religieux, ainsi que la presse pour une sensibilisation générale. Cette question est incontournable avec ce changement climatique qui touche la planète. On dit que la Loire, le plus long fleuve de France est à moitié à sec.

Si le CNRD ne trouve pas la solution en son temps, lui qui n’a pas d’agenda politique, (ou bien ?), ce ne seront pas ceux qui viendront après qui le pourront…

Moïse Sidibé