En com, deux postulats sont enseignés aux étudiants:
Premièrement, nous écrivons un texte, nous proférons une parole en fonction de nos objectifs, d’une finalité. On ne parle pas pour ne rien dire. Même quand on est censé rien dire, dans la communication, on dit toujours quelque chose. C’est la fameuse théorie du signe zéro, du silence ou lorsque l’absence de parole devient parole.

Puisque c’est donc comme ça, si on écrit à des fins précises, la reception est tout à fait aléatoire. Autant l’émetteur veut atteindre un objectif, autant le lecteur dispose de sa liberté de lecture.

Autrement dit, tout discours, quelque soit les mots utilisés, est compris par le lecteur tel qu’il voudrait le comprendre. C’est cela qu’on appelle en sémiologie l’interprétation.

 

La lecture est d’abord affaire d’interprétation. Et celle-ci est plutôt personnelle. Et celle-ci porte les traces de notre histoire, de nos préoccupations, de notre antérieur rapport au sujet et au producteur du discours. Autrement dit, très souvent, notre interprétation d’un texte vient de l’image qu’on a de l’auteur et de la légitimité qu’on lui donne à tenir ce discours, lui conférant ainsi à nos yeux une certaine crédibilité.

Deuxièmement, R. Barthes explique que tout texte a deux niveaux de compréhension: son niveau dénoté (signification litérale du mot, sens tel que le dictionnaire le donne) et le niveau connotation qui correspond à ce qu’on appelle les significations secondes. C’est ici qu’intervient l’implicite. À la fois comme lieu de marquage des présupposés et des sous-entendus, c’est aussi et surtout ici que se manifeste la proximité, la complicité entre l’émetteur et le récepteur. C’est à cet endroit précis qu’on sait d’une certaine façon pour qui le discours est poduit: ou vous êtes en dehors des récepteurs, dans ce cas, très souvent, vous rejetez le contenu, ou vous êtes en accord avec l’émetteur disposant de différentes compétences et dans ce cas vous devenez ce qu’Umberto Eco appelle « lecteur modèle ».

La chronique de T. Monénembo a été confrontée à ces règles élémentaires de com. Qui est Tierno Monénembo? Qui est-il pour celui qui lit la chronique? Écrivain de renom? Peul? Ethno? Militant de l’UFDG?
Il est assurément tout ça à la fois en fonction de celui qui le lit. Mais s’il est l’un ou l’autre, sa crédibilité est reconnue ou mise en cause en fonction de l’image que chaque lecteur a de lui. Cette image est antérieure à la chronique. Elle conditionne dans la plupart des cas la lecture, l’interprétation des différents lecteurs. D’une certaine façon, ce que je dis ici recoupe ce que je disais hier à propos de la RTG.

Le traitement de l’actualité correspond à une attente et l’image qu’on a du média induit notre confiance au média ou non. C’est RFI qui l’a dit. Ah oui? Donc, c’est vrai. C’est Tierno Monénembo qui l’a écrit. Alors c’est vrai. Ou alors c’est n’importe quoi. Voilà pourquoi en com on dit qu’il n’y a pas de vérité ou de mensonge. Un discours est vrai ou faux en fonction de qui dit qu’il est vrai ou qu’il est faux… et surtout à qui il le dit. Évidemment, on peut y rajouter le contexte et le lieu.

Il ressort donc que les différentes réactions qui ont envahi Facebook sur le texte de Monénembo montre à quel point la réception d’un texte est une chose complexe et la notion d’objectivité reste toute relative.

Au-delà de la prédominance malheureuse des « analyses » ethno et des injures, il n’en demeure pas moins que l’émission et surtout la réception d’un discours est d’abord une question de « déterminismes » sociologiques, culturels, historiques et sans nul doute de relation antérieure entre les deux instances de production et de réception du discours. Quelle réaction des alliés ou des opposants de Tierno est vraie ou fausse ou objective ? Je ne serais pas objectif, puisque moi aussi je suis le fruit d’une culture, d’un parcours et d’un lien que j’ai avec notre romancier. En fin de compte, il s’agit plus de subjectivité constatée que d’objectivité revendiquée.

Bonne soirée.

Tierno Monénembo