Durant ce temps de carême, en dehors des exhortations pratiques, je propose des formations pour aider chacun d’entre nous à bénéficier des grâces durant ce temps favorable.
Petit détour historique
La loi du jeûne pendant le temps de carême fait partie de la Tradition de l’Église. Elle est imposée avant Pâques depuis les premiers siècles de l’Église pour des raisons spirituelles. Cette loi ecclésiastique a des fondements théologiques. Il faut préciser que seuls les malades, les personnes âgées, les enfants, les personnes fragiles et délicates étaient exemptées d’une privation radicale de la nourriture. On leur permettait de consommer des œufs, du lait,un peu de vin. Ces assouplissements sont intervenus surtout à partir du XIIème siècle.
A partir du XIIIème siècle, on avançait l’heure du repas unique à midi dans certaines communautés. La prescription par l’Église du jeûne obligatoire le mercredi des cendres et le vendredi saint, date de 1949 selon des historiens. De même à partir de 1949, les chrétiens catholiques sont désormais invités à se priver de quelque chose qu’ils aimaient dans leur vie quotidienne. Si nous observons bien, le jeûne de carême a connu des évolutions jusqu’aujourd’hui et a été souvent organisé en fonction des diocèses ou Églises locales.
Le carême, jeûne, privations chez les Protestants
Notons que dans les Églises protestantes en dehors des Luthériens qui s’abstiennent de viandes le vendredi saint, il n’existe pas de carême avec des privations et des pénitences avant Pâques. Il faut comprendre cela par rapport à la sotériologie protestante, leur conception du salut. En effet selon les protestants, étant donné que le salut est gratuit, on n’a donc pas besoin de mortifications, de pénitences, de pratiques méritoires pour l’obtenir car le salut s’obtient uniquement par la foi seule, sans les œuvres (La Sola Fide). Et aussi comme les apôtres n’ont pas laisser de consignes de jeûne avant Pâques dans les Écritures, ils n’observent pas le carême dans le sens des catholiques.
Que répondre face à la thèse de nos frères protestants ?
 Il faut seulement retenir que dans la Grande Tradition, les premiers chrétiens observaient déjà le jeûne avant Pâques. Le vécu des apôtres et leurs écrits que l’on trouve dans les livres des  premiers siècles tels que: Didachè, Pasteur Dermas,  Histoire de l’Église d’Eusèbe de Césarée, l’on trouve chez les apôtres et leurs disciples, les pratiques de jeûne, de pénitence et des temps d’ascèse pour préparer la Pâques.
 Il faut juste relever que le Protestantisme qui est né à partir de 1521, remet en cause la Grande Tradition de l’Église observée par les catholiques et les grandes familles d’Églises Orthodoxes. Comme Saint Jean le dit si bien : « Jésus a fait encore bien d’autres choses : si on les écrivait une à une, le monde entier ne pourrait, je pense, contenir les livres qu’on écrirait » (Jn 21,25). Ce qui n’a pas été écrit dans la Bible, mais vecu et enseigné par les apôtres et leurs disciples, font partie de la Tradition. C’est le cas du jeûne, des privations et le temps de préparation des fêtes pascales qu’on appelle carême.
Quelques réflexions bibliques et théologiques sur la privation de nourriture
Toute montée exige du sportif certaines attitudes et certaines préparations. C’est le cas des cyclistes. Le carême est une montée vers Pâques qui est le sommet de notre foi. C’est pourquoi l’Église nous invite à des efforts personnels et collectifs. Le jeûne dans le temps de carême nous permet d’être léger moralement, spirituellement et physiquement. D’un point de vue médical, le jeûne est parfois proposé pour aider le patient. Au niveau spirituel et religieux, toutes les grandes religions invitent leurs adeptes à utiliser le jeûne comme arme de combat spirituel. C’est le cas dans le bouddhisme, dans l’islam, dans le judaïsme et même dans nos religions traditionnelles africaines.
Dans le christianisme, le jeûne est un des piliers de la vie spirituelle. Jésus invite ses apôtres à combattre certains démons par le jeûne ((Mt 17,20-21)). De même au désert, il a utilisé le jeûne comme élément de communication avec son Père. C’est après le jeûne que le tentateur le soumettra à des épreuves (Mt 4,1-11).
Selon les Ecritures, Jésus a montré au démon la valeur du jeûne par rapport au repas quotidien lorsque ce dernier lui a demandé de changer les pierres en pain. A la finale du récit sur la tentation, nous retenons la réaction du Père Céleste qui envoie ses anges pour nourrir le Christ. D’un point de vue théologique, Dieu le Père montre qu’il est l’unique créateur, celui qui est capable de transformer le désert en paradis, celui qui par sa parole a créé le monde selon le livre de la Genèse, celui qui est l’auteur du jardin d’Éden dans lequel il y avait tous les fruits pour se nourrir. Le récit de la tentation de Jésus nous renvoie au récit de la création. Dieu le Père est celui qui ouvre la main et qui donne la nourriture en son temps. Il est celui qui ouvre le ciel pour faire tomber la manne. Il est celui qui répond à son fils et multiplie le pain. Quand Jésus refuse de transformer les pierres en pain, il refuse de se soumettre au diable. D’un point de vue christologique, Jésus montre qu’il n’a qu’un seul Père à qui il obéit. Du fait de cette attitude christique, le Père répond favorablement en donnant du pain au Fils.
Que retenir ?
Pour tout chrétien, le jeûne comme privation de nourriture est une arme efficace d’un point de vue spirituel. Aujourd’hui,  beaucoup de discours venant même de certains pasteurs relativisent le jeûne comme s’il était impossible de jeûner. C’est de la paresse spirituelle. Et pendant le carême, beaucoup utilisent un langage relativiste pour trouver des éléments compensatoires au jeûne. Si le Christ a jeûné, s’il demande aux apôtres de jeûner pour pouvoir chasser certains démons, s’il nous invite à jeûner, il sait l’importance de cet acte hautement spirituel. C’est pourquoi je nous invite à jeûner, à part les enfants, les malades, les femmes enceintes et les personnes âgées. Le jeûne doit devenir une habitude dans notre cheminement spirituel. Pour se lever et pour s’élever, il faut jeûner.
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Père Marius Hervé Djadji N’guessan 
Prêtre du diocèse de Yopougon.  
Professeur de théologie dogmatique