Nous vous proposons la deuxième partie d’une longue interview avec cet ancien ministre du gouvernement Conté et PDG du Groupe B.C.E.P, Elhadj Mansa Moussa Sidibé. Sans langue de bois, notre interlocuteur dit haut ce que les autres pensent tout bas. Lissez !
Billetdujour.com : Selon vous qu’est-ce qui n’est pas rose dans le régime Condé ?
Un, Alpha pendant les dix ans, il n’a réussi nulle part à appliquer la loi. Or, il est reconnu qu’un pays qui n’applique pas la loi échoue systématiquement : et dans son processus de développement, et dans son processus de vie communautaire. Nous avons échoué, parce que malheureusement, nous n’avons pas réussi à appliquer la loi.
Pourtant, les législateurs ont bien peaufiné les lois. Il n’y a aucun pays dans la sous-région qui a autant de textes clairs et nets plus que la Guinée. Prenant par exemple, le Programme intérimaire de redressement national. Aller sur le net, chercher, vous verrez la décomposition de toutes les activités du PIRNA à travers des textes qui ont été mis en place. J’en sais quelque chose, parce que j’y ai joué un rôle déterminant. J’étais l’Inspecteur général du travail pendant les deux régimes. Avec Sekou Touré, j’étais déjà l’inspecteur général du travail et avec Lansana Conté, je l’étais pendant plus de 9 ans, pour être après ministre.
Le président Alpha Condé, le jour que la Cour constitutionnelle a proclamé les résultats définitifs, il est sorti pour faire savoir que désormais qu’il ne va plus badiner à faire respecter la loi. Avez-vous
un espoir cette fois-ci ?
Je n’ai pas d’espoir, parce qu’il savait qu’il fallait appliquer la loi. Il savait qu’il fallait lutter contre l’impunité, l’insécurité, la corruption. Il savait, parce que moi, je le lui ai dit publiquement et plusieurs fois. Et je lui ai écrit, pour le lui dire et d’autres lui ont dit. Vous avez dû voir un message où, un opérateur économique a pleuré séance tenante, en disant au président qu’il n’a pas respecté la loi. Or, il devrait le faire, l’opérateur a pleuré.
Visiblement, tout repose sur Alpha Condé, mais les cadres de l’appareil de l’Etat, y sont pour quelque chose aussi ?
(Rire), vous parlez. Le poisson commence à pourrir par où ? Par la tête.
Quand,  il pourrit par la tête. Qu’est-ce que tu peux faire ? Si le président Alpha avait accepté ce que nous lui avons donné comme conseil, on ne serait pas là.
Certains ont cherché à lui parler, mais il a rompu avec tout le monde. Moi, qui vous parle, je lui avais dit en 2010, qu’il sera le président de la République. Il a dit ah bon. J’ai dit oui. Parce que la population n’a plus besoin des gens comme nous. Elle a besoin de savoir ce qui se passe là-bas, que nous n’avons pas pu lui apporter. Je l’avais dit que les 24 candidats qui sont là, la seule personne pour laquelle, je ne peux faire le Curriculum vitae, CV, c’est vous. Or vous avez quitté la Guinée à l’âge de 15 ans, vous revenez à l’âge de près de 70 ans. Vous dites que vous voulez être président. Nous préférons toi, que les autres, parce que toi, tu n’as pas de conquérants parmi les autres. Il a dit ah bon. Je lui ai répondu bien sûr. Par contre, Si Siradjo Diallo et Bah Mamadou n’étaient pas morts, certainement, tu aurais eu des problèmes. Mais sache que tu seras le président, mais tu ne réussiras pas au premier tour. Il s’est levé trois fois, je lui ai dit, tu ne seras, parce que toi et Dalein, vous avez inséré dans le processus, un système qui fait que Dalein va te battre. La preuve tous, les peulhs voteront pour Dalein. Et n’y a pas de candidat qui peut battre Dalein dans le Fouta. Or toi, tu as 5 ans candidats que tu ne peux battre systématiquement dans toutes les localités du Manding. Je lui ai dit, tu prends Ousmane Kaba, Lansana Kouyaté, Lounceny Fall, Saran Daraba, Mohamed Diawara, chacun d’eux a une position dans le manding. Donc avec eux, tu ne peux, c’est pourquoi Dalein va te battre au premier, mais si tu t’entends avec l’équipe-là, tu pourras gagner.
L’institution Mo Ibrahim, qui évalue les pays sur la bonne gouvernance, vient de rendre publique son classement. La Guinée s’est retrouvée en bas l’échelle des pays africains. Quelles sont vos impressions ?
Mais quand, tu n’appliques pas la loi dans ton pays, qu’est-ce que tu peux apporter comme solution fiable dans ton pays ? Un exemple, tout de suite, moi, je pars ramasser tout ce que tu connais comme déchets humains et je les déposé dans un carrefour. Personne n’est là, pour me dire, non ce que tu as fait, ne se fait pas. En Guinée, chacun fait, ce qu’il veut, quand-il veut et comme il veut. Or, ceci n’est donné à aucun homme, si n’est qu’à Dieu, lui seul, mais on le fait et on laisse chacun faire.
Le président de l’Assemblée nationale, Amadou Damaro Camara a estimé que votre génération a échoué de mettre la Guinée sur de bons rails. Partagez-vous cela ?
Quand je contribue à désorienter le pays, à créer des mauvaises conditions de développement, je ne peux pas dire autrement. Moi-même, je dis parfois, que nous avons échoué. Je dis quelque part dans une vidéo qu’effectivement les anciennes générations ont échoué. Mais on a échoué où ? Nous avons échoué, parce qu’on n’a pas été capable d’appliquer la loi, de lutter contre l’impunité, l’insécurité, la corruption. C’est là on a échoué. Mais il faut dire qu’on n’a pas été capable pour deux éléments. Le fondamental, a été qu’un chef n’a pas dit : la loi, c’est la loi, elle s’applique. Au temps de la révolution, tu peux laisser ta voiture non fermée, tu fais, le tour de Conakry, tu reviens, tu la trouveras là, tu la prends et tu t’en vas. Parce que tout le monde sait que si tu prends quelque qui ne t’appartiens pas, on te coupe la main ou on te tue, si tu as tué quelqu’un. Mais quand vous vivez dans un système où personne ne commande personne, où les gens tuent , personne n’est inquiété. Il y a des gens qui sont morts pour lesquels, on a jamais trouvé les raisons, alors c’est ça, le fondement. Alpha a fait beaucoup, il s’est battu pour ça, mais il n’a accepté de faire appliquer la loi.
Moi, j’étais inspecteur général du travail, je n’ai jamais eu la possibilité d’affecter quelqu’un à Boffa, Boké ou Gaoual à l’époque. Ce n’est pas moi qui affectait mais nous étions une petite commission, qui, quand le gouvernement dit qu’il faut affecter 20, 30 dans certaines localités, c’est nous faisions la répartition. Mais on ne pouvait pas affecter à Boffa. Pourquoi ?
Parce que Boffa était considéré comme une localité aride, personne ne voulait y aller. D’abord, il n’y avait pas de routes qu’il faut.  Pour aller à Boffa ou Boké, il fallait traverser le bac. Et pour y aller, il fallait faire deux semaines, tellement que la route était mauvaise. Aujourd’hui, tout le monde veut aller à Boffa, à Boké. Moi, j’ai quitté Boké pour aller à Satènèya sur vélo, parfois, je m’arrêtais pour jouer au ballon. Parce qu’il n’y avait pas de véhicules dans la circulation. Mais, aujourd’hui, tu ne peux pas. A Conakry , tu ne peux pas alors que nous on quittait dans la gare routière de Kaloum, sur l’autoroute Fidel Castro. On jouait le ballon jusqu’à l’université Polytechnique. Mais aujourd’hui, tu ne peux pas, les choses ont changé. Il y a eu révolution, il faut reconnaitre ça. Mais tout ça exige un comportement, un principe, quand cela n’y ait pas, c’est la pagaille.
Les patronats du pays, ont félicité le président Alpha Condé pour sa réélection à un troisième mandat.

Certains observateurs ont estimé que les opérateurs économiques jouent de la politique ?
Ils ne jouent pas de la politique, attention. Comment ça ? Ah, mes fils, c’est compliqué. Moi, je n’ai pas félicité encore Alpha Condé parce que je n’ai pas aimé tout ce processus, mais j’ai expliqué aux jeunes, je les ai dits attention, allons pas à pas. Alpha est plus fort que nous. Il est plus fort que n’importe qui.
Expliquez-nous, comment il est plus fort que vous ?
Oh, il a crée les conditions pour qu’il gagne ces élections, toutes les conditions, il les a créé. Aucune institution ne fonctionne correctement. Sinon, c’était aussi simple pour la Commissionélectorale nationale indépendante, CENI de dire simplement écouter.
Donnez-moi, ces affiches et c’est prévu par la loi qu’une copie est envoyée à la CENI. Donc, vérifions ça ensemble. On n’aurait pas eu d’histoire, on aurait vu tout de suite, qui a gagné, qui n’a pas gagné. Le président Alpha sait qu’en parait cas, il faut prendre des dispositions, c’est ce qu’il a fait. C’est tout, il a crée toutes les conditions, pour réussir. Alors tu sais les patronats, ils ont quel rôle, ce sont des entrepreneurs qui investissent et qui travaillent avec le gouvernement en place.
Si nous comprenons, ils doivent caresser le gouvernement dans le sens des poils ?
S’il n’y a pas un gouvernement qui travaille correctement, il n’y a pas d’investissements. Tous les miniers qui sont dans la zone économique spéciale, j’ai demandé à des cadres très haut niveau qu’eux et moi nous fassions le tour de cette zone pour voir ce qu’il y a. Et pour recommander au gouvernement que s’il y a problème, comment le corriger pour que la zone continue à prospérer. Parce qu’elle prospère.
Aujourd’hui, les gens travaillent à Boffa, Boké, ils tendent versGaoual et c’est la première fois. Quand vous allez de Boké ville à Katoucouma, là où, il y a eu le premier port. La route n’est pas bitumée, c’est extraordinaire, à ce rythme toutes les zones là doivent être bitumées. C’est ça qu’il faut.
L’investisseur, c’est ça qu’il voit. Alors admettons que, nous, on se met à dire Alpha tu n’as pas raisons. On ne te félicite pas. Lui suit son chemin, il nous casse la tête. On ne peut plus investir. Alors, il ne faut pas trop condamner les gens.

L’investisseur travaille en fonction de l’évolution de la situation économique du pays.
Interview réalisée par Tamoné & Kalan