Pendant que les cardinaux prient,
le tailleur ajuste les ourlets. Tandis que les cardinaux du monde entier se recueillent, prient, échangent et s’apprêtent à entrer en conclave, un petit atelier discret situé via Borgo Pio, à deux pas du Vatican, s’active dans le silence de la tradition. C’est là, entre les murs chargés d’histoire de la boutique Mancinelli, que se prépare un autre détail… essentiel : la soutane du futur pape.
Raniero Mancinelli, 86 ans, est le tailleur des papes. Depuis plus de 60 ans, il habille les plus hautes figures de l’Église. Jean-Paul II, Benoît XVI, François… tous sont passés entre ses doigts de maître. Et cette année encore, fidèle à une tradition qu’aucune consigne officielle ne prévoit, il a déjà cousu trois soutanes blanches : une petite, une moyenne, une grande. Trois tailles pour une seule fonction : couvrir l’inconnu, car « l’Esprit Saint ne prévient pas le tailleur ». L’Église ne sait pas encore qui sera pape, mais elle sait qu’il faudra l’habiller.
Dans cette boutique quasi liturgique, tout est prêt : la soutane blanche (avec sa ceinture), la mosette, la calotte, la croix pectorale et même… les chaussures. Car oui, il faut penser à tout : le futur pontife devra apparaître au balcon dans une tenue irréprochable. Et les caméras du monde entier ne pardonnent pas un ourlet de travers.
Mais la panoplie papale ne s’arrête pas là. Une fois élu, le nouveau pape recevra aussi l’anneau du Pêcheur, symbole de son lien avec saint Pierre. Cet anneau, fondu à chaque nouveau pontificat, portera son nom et une gravure unique. Les artisans de la Maison du Vatican préparent plusieurs maquettes en avance. Là aussi, on devine, on anticipe, on attend.
Quant aux chaussures… l’histoire est plus subtile. Jean-Paul II portait des souliers noirs. Benoît XVI aimait le rouge profond, fait main. François, lui, a gardé ses vieilles chaussures noires de Buenos Aires, préférant la modestie au cérémonial. Le futur pape choisira lui-même. Mais en attendant, des modèles sont déjà prêts.
« Le conclave est un mystère. Le vestiaire papal, lui, ne laisse rien au hasard. » dit-on ici.
Dans l’ombre des grandes décisions, la boutique Mancinelli est un sanctuaire artisanal, où la foi passe par le fil et la tradition se transmet par la main. Son petit-fils Lorenzo, 23 ans, prend désormais le relais, formé dans l’humilité du sur-mesure et dans la fidélité à une Église qu’il habille sans bruit.
Ainsi va l’Église : pendant que les cardinaux discernent, le tailleur attend. Il ne sait rien, ne commente rien. Mais il prépare tout. Au moment du Habemus Papam, le monde aura les yeux tournés vers le balcon. Mais une partie de cette image aura été cousue à la main, dans un petit atelier romain.
P. Lambert Ayissi
Catholikia