Dans cet entretien que le Vice-Recteur et Directeur général du campus de Sangoyah de l’université Ahmadou Dieng a bien voulu nous accorder. Nous sommes revenus avec Ibrahima Seck sur non seulement l’université dont-il préside, mais également sur certaines préoccupations du moment du paysage éducatif. Lisez !
Billetdujour.com: Pouvez-vous de façon succincte nous présenter l’université Ahmadou Dieng, UAD ?
Ibrahima Seck: L’université Ahmadou Dieng est créée en 2007. Comme toutes les grandes universités privées, elle a en son sein deux facultés : une faculté de science technique et appliquée qui regroupe le génie civil, génie minier, génie électrique, génie informatique, MIAGE, biologie médicale. Et l’autre faculté est celle des sciences économiques juridiques et humaines où il y a économie, administration des affaires, banque finance, assurance, commerce international, douane, droit économie et sociologie. Jusqu’en 2017, l’université Ahmadou Dieng avait en son sein 5 campus. Parce que nous avons pensé à la proximité, trois dans la ville de Conakry, deux en région plus précisément à Coyah et à Labé. Aujourd’hui, nous n’avons que trois campus, un à Sangoyah, le campus principal à Bintouraya et celui de Labé.
Nous sommes en début de l’année universitaire. Dites-nous comment
avez-vous entamé cette rentrée ?
Excellemment bien. Et cette année, avant la rentrée universitaire, nous avons organisé les états généraux, parce que chez nous, chaque deux ans, nous tenons les états généraux. Cela nous permet, de réajuster les programmes. Nous mettons l’occasion à profit pour convoquer les nouveaux professeurs, vérifier les diplômes, les CV et
puis faire le test habituel avec les comités de programmes. Nous essayons de respecter toutes les exigences de la pandémie covid-19. De nos jours, nous sommes à 95% et nous débutons les cours lundi prochain, pour les Licences I.
Il y a deux semaines que nous avons commencé pour les autres Licences,
tout se passe bien. Vous pourriez voir, toutes les salles sont pleines.
Quelles ont été les recommandations phares de vos états généraux ?
Cette année spécialement, nous avons pensé à travailler sur 50% monde socio-professionnel, ceux qui sont en train de travailler dans les entreprises et dans l’Etat. Et 50% monde professeur, c’est-à-dire rang magistral, professeur actif. C’est le point phare et pour un peu donner la chance aux étudiants de se conformer au monde socio-professionnel. Nous le faisions avant et nous avons fait un retour sur l’incubateur que nous avons créée. Nous avons essayé de projeter l’auto-insertion, qui a quitté de 52 à 72%. Donc quand nous inscrivons 100 étudiants, à la sortie nous avons 72 employés pour le
moment, ce sont les deux points focaux sur lesquels on s’est axé. On a fait des propositions pour l’amélioration des incubateurs en connivence avec tous les incubateurs comme d’habitude. Cette fois-ci, nous allons essayer d’enrichir et nous avons eu en perspectives l’ouverture de deux masters, un en droit et l’autre en environnement.
Peut-on avoir une idée de l’apport de l’université Ahmadou Dieng sur
le marché du travail ?
L’université Ahmadou Dieng, je peux oser dire c’est l’une des universités qui s’active beaucoup plus sur le marché de l’emploi. Parce que déjà, nous, à notre niveau, on a trois types de stage. On a le stage d’initiation dès la première année, ensuite le stage d’intégration et enfin celui de la consolidation. Ces trois stages, réunis habituent l’étudiant à être en contact avec le monde pratique. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui, je vous disais tout à l’heure que le taux d’inscription est élevé, parce que nous, quand nous recevons un groupe d’étudiants en Licence I, d’abord, on donne un cours sur le LMD, (Licence-master-doctorat), pour leur dire ce qui les attend, on leur montre leurs débouchés. Vous savez généralement, ils font les choix soit par appellation ou par imitation. Donc nous nous arrangeons à ce que l’étudiant se retrouve dans son propre choix, s’il avait choisi MIAGE, parce que c’est facile à prononcer et après les explications, il peut se retrouver en génie civil ou il va où il se sent mieux. Déjà en première et deuxième année, nous avons une fiche qu’on fait remplir aux étudiants, qu’on ramène au niveau de l’incubateur. On a des spécialistes qui vérifient, le groupe qui est en entreprenariat, on s’aura par des questionnaires, quels sont les étudiants qui vont en entreprenariat et quels sont les étudiants pour rien au monde ne veulent travailler qu’en entreprise. On extrait le groupe d’étudiants, qui veulent travailler en entreprenariat, on a une salle pratique, où des étudiants viennent faire des recherches. C’est cela, si vous remarquer tous les concours, des startups et autres, nous avons toujours eu les premières places. Ceux qui sont pour les entreprises, on les cherche des stages. Ce qui fait qu’aujourd’hui, la plupart des entreprises de la place, nous avons étudiants qui nous représente.
Les trois ministres en charge de l’éducation nationale ont manifesté
le désir d’organiser les états généraux de l’éducation. En tant qu’encadreur, comment appréciez-vous cette initiative ?
Moi, je pense qu’il fallait le faire, il y a très longtemps.
Et pourquoi ?
Je ne vois pas pourquoi on met un bruit autour des états généraux. Parce que les états généraux doivent y en avoir tout le temps. Vous savez la science évolue, le monde et les choses changent. Il faut se retrouver, revoir, adapter le monde d’aujourd’hui au système éducatif
d’aujourd’hui. Mais s’il faut attendre 10, 15 ans pour revoir, pendant que la technologie ne fait qu’avancer, je pense que ce n’est qu’un retard. Je ne vois pas que ça soit spécial, parce que c’est tout à fait logique. Et ça n’a fait que prendre du temps. Moi, je propose que tous les deux ans qu’on fasse les états généraux, parce que la science n’attend pas. Le monde tourne, il faut toujours se réunir et voir ce qu’il y a de nouveau et adapter évidemment à nos conditions de vie et à nos façons de faire. Je lance un appel à ces trois ministres, que j’apprécie d’ailleurs parce que c’est bien d’innover, qu’ils acceptent de le faire tous les deux ans des rencontres pour retoucher tout ce qui ne marche pas, parce que l’éducation dans un pays c’est les racines.
La ministre de l’Enseignement supérieur a mis fin à la formation payante dans les universités publiques. Vos impressions ?
Vous savez, les universités privées ont été taxées de tout en Guinée. Je n’ai jamais su d’où vient la source. Mais qu’on dise qu’on ne l’oriente pas des étudiants dans les universités privées, sous prétexte que la formation n’est pas ça. Ou qu’on nous dise que des étudiants ont été orientés dans les universités publiques à l’intérieur, et qu’on demande à ces mêmes étudiants de venir s’inscrire en formation payante dans les universités publiques de la capitale, je n’ai jamais compris cela. Qu’on dise qu’il y a 20 000 admis, Conakry ville, on oriente 12 000 étudiants, les 8 000, on les dispatche dans les universités de l’intérieur et après qu’on nous dise ceux qui ne veulent pas aller à l’intérieur peuvent venir payer à Conakry, je n’ai jamais compris cela aussi. Ce qui fait que, qu’à l’université de Sonfonia, il y a des étudiants qui s’arrêtent sur des briques pour suivre les cours, il y a même certains qui se perchent sur des arbres. Pendant que dans les privées, les mêmes enseignants du public, ce sont les mêmes qui enseignent chez nous et enseignent mieux. J’ai la raison et je peux expliquer. Un enseignant, qui enseigne à l’université de Sonfonia pendant toute l’année, il est payé à la fin de chaque mois, l’argent qu’il a, à la fin de chaque mois, si vous avez deux et trois cours chez nous, ça vous fait six fois la même somme. Regarder, où est-ce que vous allez prendre du sérieux. Quand l’université Ahmadou Dieng veut par exemple dix ordinateurs. Et que l’université Gamal Abdel Nasser voudrait également le même nombre d’ordinateurs pour la même tâche. La demande va quitter chez le Recteur par exemple de Gamal, ce dernier va amener au ministère, ça va passer chez le chef de cabinet, puis le secrétaire général avant d’arriver chez le ministre. Avec la lourdeur de l’administration que vous connaissez et le retour desdits ordinateurs, au lieu de dix, on est tous Guinéens, on va se retrouver avec cinq ordinateurs. Mais quand Ahmadou Dieng veut dix ordinateurs, voici la salle, je peux vous montrer, j’ai mes 30 ordinateurs. J’ai décidé de créer une salle d’informatique, elle est juste à côté, je vais vous la, montrer. J’ai acheté les 10 ordinateurs hier (mercredi, ndlr), je vais les installer aujourd’hui, le premier cours sera tenu demain, (vendredi, ndlr).
Mais est-ce que les étudiants vont-ils en exploiter pour leur formation ?
Oui. Et vous avez tout est bien structuré. Si nous voulons un laboratoire biomédical, nous le commandons en Chine où en Allemagne, nous le recevons, nous l’installons et nous le travaillons avec sans difficulté. Nous ne passons pas par quelqu’un. Revenant sur la formation payante, c’est tout à fait normal parce que je pense que c’est une erreur de dire aux étudiants d’orienter les étudiants à l’intérieur et de dire que ceux qui ne veulent pas, de payer. Et cette formation payante, il y a un problème. On dit au début, il faut aller déposer l’argent à la banque centrale, alors que parallèlement, il y a des personnes devant les universités qui disent aux étudiants de venir qu’ils vont les aider à s’inscrire. Ces derniers ferront un an, deux ans, ils n’auront pas de matricule. Ils reviennent chez nous, ils payent, ils suivent les mêmes cours, ils voient les mêmes professeurs. La seule différence, c’est qu’il se retrouve dans des conditions encore plus adaptées, dans une classe climatisée, confortablement assis et ils font plus de travaux dirigés et d’exercices lorsqu’ils étaient là-bas. Il y a un troisième point qui est très important aussi, vu la pléthore, l’étudiant part une à deux fois, chez nous l’étudiant viennent presque toute la semaine. Il y a de la place. Depuis qu’on a cessé d’orienter dans les privées, nous n’avons aucun problème. Voyez cette fiche, je suis à 483 étudiants hier à 16h (mercredi, ndlr) je suis à deux semaines d’inscription. Ce campus a la capacité de recevoir 1000 étudiants par an, je suis à deux semaines, je vais inscrire jusqu’à la mi-décembre. J’aurai mes 1000 étudiants et je ne peux pas prendre plus, parce que les salles de classes c’est 50 étudiants. Pendant qu’on nous taxe de ne pas être de bonnes universités, nous rejetons des étudiants qu’eux-mêmes orientes ailleurs. Donc je ne vois pas pourquoi, on dit qu’en Guinée que les universités privées ne forment pas bien.(Rire)
À suivre !
Entretien réalisé par R. Tamoné et M. Kalan