A l’occasion du 25ème anniversaire du décès de notre cher compatriote et compagnon de l’indépendance, commandeur de l’ordre national du mérite, Mody Sory Tchéwel Barry, nous trouvons important de partager le parcours de cet autre grand homme de la République de Guinée. Pour ceux qui ont connu ou côtoyé ce grand Monsieur,  parler de lui, c’est aussi évoquer une partie de l’histoire de la Guinée dans sa marche vers le développement socioéconomique.
Après ses études universitaires au Sénégal et à Paris, où il était souvent major et bardé de diplômes, Mody Sory décide de revenir en Guinée, son pays natal, pour inscrire son nom parmi les intellectuels guinéens. Son désir de mettre en pratique ce qu’il avait appris à l’école pour l’administration était évident. Loyauté, intelligence, esprit d’initiative, conscience, sens des responsabilités, perspicacité, professionnalisme, rigueur, sens des relations humaines, créativité et dynamisme sont autant de qualités que possédait Mody Sory. Il a occupé de nombreux postes administratifs : Directeur d’entreprises, Doyen de Faculté, Chef de Cabinet et Conseiller dans les départements ministériels, Gouverneur de Régions… Il a mis en place une véritable politique de développement socioéconomique de son environnement. Ses acquis et son expérience professionnelle l’ont guidé à la création de nombreux projets qu’il a réalisés tant en Guinée qu’ailleurs. Sa brillante carrière administrative lui a permis, de 1958 à 1996, de servir la Guinée avec loyauté et dextérité, jusqu’à sa retraite en 1999.
Né à Mamou, le 17 décembre 1929, le jeune Mody Sory fréquente l’école coranique à l’âge de 10 ans. En septembre 1939, il entra à l’école primaire de Mamou qu’il survola en 4 ans avant d’être admis à l’école Primaire Supérieure Camille Guy de Conakry en 1943, la plus grande école du Territoire à l’époque. En 1946, il obtint son billet pour l’école Normale Williams Ponty Sébikotane du Sénégal et sortit de cette école en 1949 avec la première partie du baccalauréat, série moderne (Sciences Mathématiques).

Pour la session scolaire 1949-1950, le jeune Mody Sory Tchéwel Barry fut élève du Lycée Van Vollenhoven de Dakar, en classe de Mathématiques élémentaires, et en sortit avec le baccalauréat deuxième partie, série Mathématiques. Ce qui lui valut le sobriquet de “Major chronique” de la part de ses camarades de promotion. Grâce à cette réussite, le jeune Barry obtint une bourse d’enseignement supérieur du gouvernement général de l’Afrique Occidentale Française (AOF) pour le Lycée Louis-Le-Grand à Paris. Après une année de Mathématiques supérieures et deux ans de préparation aux concours des grandes écoles, il fut admis à l’ENISIA en 1953.

De 1953 à 1956, il décrocha son premier diplôme d’ingénieur des Industries Agricoles et Alimentaires de l’École Nationale Supérieure des Industries Agricoles et Alimentaires de Paris-Douai. Cet exploit lui permit, en 1956, d’obtenir une bourse de l’ORSTOM. De 1956 à 1958, il poursuivit ses études à l’École Supérieure d’Application d’Agronomie Tropicale de Nogent-sur-Marne, où Mody Sory obtint le diplôme d’Ingénieur d’Agronomie Tropicale, option Recherches.

Pétri de connaissances, Mody Sory Barry fut rappelé par le gouvernement guinéen après le référendum du 28 septembre 1958, suite au retrait des techniciens français. M. Barry rejoignit alors Conakry le 12 décembre 1958.

La qualité de ses brillantes prestations scolaires et universitaires lui valut des nominations à différents postes de responsabilité. Assurément, Mody Sory avait compris la passion des Guinéens, outre le défi de l’indépendance, pour relever les challenges du développement socioéconomique. Ainsi, la quintessence de sa mission était de donner une réponse adéquate aux attentes et préoccupations des Guinéens. Pour matérialiser ses bonnes intentions, cet éminent chercheur établit des rubriques de budgets pour les différents projets ambitieux pour la Guinée et lança l’industrialisation de la République de Guinée.

De 1958 à 1960, il occupa son premier poste…

De 1958 à 1960, il occupa son premier poste en qualité de Directeur de la Station Autonome de Recherches de Sérédou, sur recommandation expresse du Directeur français sortant. À ce moment-là, la Station de Sérédou fournissait le sulfate de quinine à toute l’Afrique Occidentale.

De 1960 à 1972, il occupa le poste de Directeur du Plan Triennal, premier plan guinéen dit Plan Triennal de la Guinée indépendante; ensuite Directeur de l’Énergie et du Service des Études Économiques et Statistiques au Ministère du Développement Économique. Il fut, cumulativement à ses autres fonctions, co-Directeur du Projet régional S.O/PNUD/DERS : Utilisation Rationnelle des Eaux du Haut Bassin du Fleuve Sénégal. Intrépide travailleur, Mody Sory s’évertua à élaborer des projets d’électrification et d’alimentation en eau des chefs-lieux de régions, la réalisation de la Centrale de Kinkon à Pita, du réseau électrique Labé, Pita, Dalaba-Mamou. Il faut ajouter à cela, la Centrale de Tinkisso à Dalaba, la ligne Dabola-Bissikrima-Dinguiraye et les réseaux d’électrification de Dabola et de Dinguiraye.

Consultant de la BAD et membre de la FECA, Mody Sory dut évaluer les résultats du projet “Adduction d’Eau du quartier N’Djili-Kinshasa au Zaïre” avant de faire « Le point des Études et Projets disponibles en Guinée dans le cadre du Projet Tripartite BAD, Banque Mondiale, PNUD de “Pré-Électrification Africaine”. En Guinée, pour le compte d’ENELGUI, il procéda à l’évaluation de la coopération Guinée-GTZ, à la Centrale Thermique de Tombo, du Projet d’Éclairage par Panneaux Solaires Photovoltaïques des villes de Beyla, Koundara, Kouroussa. Pour effectuer les études et installations susmentionnées et se faire une idée des possibilités offertes par l’énergie solaire photovoltaïque, le technicien guinéen visita successivement le système de radiotéléphone de secours de l’autoroute de Yamoukoro en Côte d’Ivoire; les laboratoires et ateliers de l’Office Nigérien de l’Énergie Solaire.(ONERSOL) et l’usine de fabrication de Chauffe-Eau Solaire.

Au Mali, Mody Sory visita aussi les laboratoires Maliens de l’Energie Solaires notamment à l’hôpital de SAN, premier hôpital en Afrique à être entièrement électrifié par Panneaux Solaires.

Ensuite, le chercheur guinéen se rendra au Canada pour toucher du doigt les réalités de l’Inter Sol 85, le Congrès Mondial de l’Énergie Solaire ; aux États-Unis, les usines de Sol Volt International à Phoenix, en Arizona ; en France, les usines de Chronar-France et en Belgique, Photon-Technology. Mody Sory savait se muer en négociateur en chef pour le partenariat. Au fil des ans, M. Barry s’est taillé une place au soleil en s’attirant des convoitises dans les différents services de l’administration guinéenne.

Convaincus des traces indélébiles laissées dans les arcanes de différentes structures, les présidents Sékou Touré et Lansana Conté sollicitaient toujours son concours dans divers domaines pour ajouter sa touche à l’édifice national. Et, il refusa toujours d’être nommé ministre pour continuer son rôle de technocrate.

Après les événements du 22 novembre 1970, M. Barry connut une carrière très mouvementée, culminant en août 1976, comme Directeur Général Adjoint de la Société Minière et de Participations Guinée-Alusuisse “SOMIG” pour la bauxite de Touguié, Chef du Cabinet du Ministère du Domaine Social, Chef de Cabinet du Ministère du Développement Rural, Directeur de Cabinet du Ministère de la Promotion Rurale. En août 1975, il est nommé Doyen de la Faculté d’Agronomie de Kouroussa ; en 1977, Doyen de la Faculté de Faranah ; le 15 janvier, Mody Sory occupe le poste d’Administrateur Général de l’Institut Valéry Giscard d’Estaing de Faranah avant d’être nommé le 16 février 1977, Gouverneur de la Région Administrative de la même ville (Faranah) avant d’occuper les mêmes fonctions à Lélouma et à Fria. C’est dans cette cité d’alumine où il resta jusqu’aux événements du 3 avril 1984, date de la prise du pouvoir par l’armée. Ainsi, en 1986, il créa la Société d’Études et de Participation (SODEP) ou Études sur l’Énergie Solaire, dont il fut Directeur Général.

Autant dire que Mody Sory Barry a eu à participer et à suivre de près toutes les expériences de la Guinée en matière de développement économique et social. Il était tout naturel qu’il continue à s’intéresser au programme de développement de son pays dans le cadre des nouvelles perspectives offertes par le Comité Militaire de Redressement National (CMRN). Par la suite, il fut membre du Comité Transitoire de Redressement National (CTRN) de 1991 à 1995 et participa activement à l’élaboration des lois organiques qui régissent encore notre pays.

Comme on aime à le dire, “derrière un grand homme, il y a toujours une grande dame”. Madame Barry a également apporté son grain de sel à la somme d’expériences de son époux qui, résolument engagé, draina derrière lui une riche carrière administrative. Sur le plan de l’éducation des enfants, Madame Barry n’a pas failli à son devoir, car leurs enfants sont aussi devenus intellectuels comme leur père. Tout un honneur et une victoire pour cette famille Barry de Timbo.

De 1999 à cette date où la Grandeur a arraché notre compatriote à notre affection, ce chercheur émérite fut le Président-Fondateur du Lions Club Kakoulima et membre fondateur du Lions Club KAROKAROUNDE.

À côté de sa brillante carrière administrative, El Hadj Mody Sory Barry Thiewel est resté, sur le plan social, un pilier incomparable de notre société. Sa foi en Dieu, sa pratique des principes sacrés de l’Islam, l’amour de son prochain, son esprit de conciliation et de tolérance, sa disponibilité ont fait de lui un incomparable dans la vie sociale de Timbo.

Souvenons-nous toujours de cet homme pour les nombreux actes qu’il a posés dans un pays où tout était prioritaire. Dors, Mody Sory Tchéwel Barry, et dors bien, car tu as pleinement accompli ta mission. Qu’Allah t’accueille dans son paradis, AMEN!

Dinah Salifou Soumah